Internet, l’intouchable caverne d’Ali Baba pour les jeunes malagasy de Manakara

Article : Internet, l’intouchable caverne d’Ali Baba pour les jeunes malagasy de Manakara
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30 avril 2018

Internet, l’intouchable caverne d’Ali Baba pour les jeunes malagasy de Manakara

Manakara – Madagascar. Ici, on rêve de liberté, de richesse, d’aventures… Mais aussi de maîtriser l’internet, cette révolution qui a apporté un changement radical dans le monde.

Les jeunes de Manakara

[Découvrez le portfolio de la ville sur https://tiasyraconte.mondoblog.org/2018/04/30/portfolio-manakara/]

Manakara est une ville côtière située dans le Sud-Est de Madagascar, à 570 kilomètres de la capitale (Antananarivo). L’évolution de la technologie a du mal à franchir les frontières de cette contrée encore indomptée par l’homme, et le mot « internet », bien que connu et entendu de tous, et employé quotidiennement, n’est pas encore complètement compris. Pour les adultes comme pour les jeunes, la notion de l’Internet demeure vague… ici l’internet ne fait pas partie du quotidien, loin de là ! Entre « ordinateur » et « internet », seule une poignée de personnes pourrait expliquer la différence.

Depuis le mois d’avril, je participe bénévolement au projet « Voices Of Youth » initié par l’Unicef Madagascar. Ce projet donne aux jeunes l’opportunité de découvrir l’internet et d’utiliser les outils numériques pour s’exprimer sur les domaines qui leur tiennent à cœur. Dix jeunes ont été sélectionnés dans chaque lycée de quatre localités  de la Grande île : Antananarivo, Manakara, Ambatolampy et Ihosy. Les techniques de création de blog et d’écriture d’articles leurs ont été données grâce à cette formation. Ils ont pu s’exprimer à travers leur propre blog ! J’ai participé à la formation à Manakara, ma visite dans cette ville côtière a été une révélation.

jeunes malagasy de Manakara
La cour du lycée Sileny Manakara.
cc: Tiasy

Les jeunes Manakarois sont des personnes assez introverties mais très sympathiques. Au début ils ne sont pas bavards, mais une fois qu’on a fait connaissance et après les premiers échanges, leur timidité tombe et ils se mettent à parler beaucoup ! J’ai vraiment apprécié les dix lycéens qui ont suivi la formation la semaine dernière. Ils étaient réceptifs et écrivaient avec beaucoup de sensibilité. Mais la formation a été rude car très peu d’entre eux avaient des notions informatiques, et c’est compliqué de partir de zéro ! Mais la curiosité et la volonté d’apprendre se lisait dans leurs yeux.

A la découverte d’Internet

En voyant le mot « Google » projeté sur l’écran, les élèves découvraient une nouvelle réalité et demeuraient figés, comme incertains, face à cette nouveauté. Je ne saurai expliquer ce mélange d’étonnement et d’engouement qui se lisait dans leurs yeux. Découvrir l’Internet, pour ces jeunes, c’était comme découvrir la caverne d’Ali Baba.

Tout était merveilleux pour eux : menu Démarrer, recherche de programmes, Microsoft Office Word… Tout cela a pris un certain temps car il n’y avait pas d’ordinateurs pour pratiquer, le cours était donc surtout une leçon théorique. Aussi, la création d’un compte Gmail a été pour eux un grand pas en avant. Difficile à croire, mais parmi ces jeunes élèves, certains n’avaient jamais entendu parler de la notion d’e-mails, le courrier électronique était une chose inconnue. J’étais à la fois triste et pleine de compassion face à cette réalité choquante dans mon pays. Comment la fracture numérique pouvait-elle être aussi flagrante? Je leur ai donc expliqué le concept de l’e-mail, son utilité et sa différence avec Facebook – question que les élèves ont d’ailleurs posée. Parmi les modules à enseigner il y avait la création d’un compte Voices Of Youth sur le site du même nom, mais aussi la création d’un blog sur Internet, via des plateformes telles que WordPress et Medium. Nous avons vu tout cela ensemble.

jeunes malagasy de Manakara
Un membre de l’équipe de l’Unicef en pleine présentation du blog Voices of Youth.
cc: Tiasy

Les jeunes de Manakara ont été submergés et impressionnés face à l’opportunité qui s’offrait à eux. Tellement de possibilités pour s’exprimer et se faire entendre, c’est forcément impressionnant! Ces jeunes n’avaient pas une représentation réelle de ce qu’est l’internet : l’univers de l’internet leur semblait limité, notamment limité à Facebook (réseau social le plus utilisé à Madagascar). Mais grâce à la formation, l’internet était devenu une vraie caverne d’Ali Baba où tous les trésors de l’univers pouvaient être dénichés. Une véritable découverte ! Malheureusement, une certaine tristesse se lisait dans leurs yeux car ils savaient que,malgré cette possibilité illimitée sur la toile, ils étaient, eux, limités par l’argent…

Internet à Madagascar

Si à Antananarivo, le tarif minimum pour surfer dans les cyber-cafés – oui, les cyber-cafés existent encore à Madagascar et font partie des principaux moyens d’accès à l’internet – est actuellement de 15 ariary par minute, à Manakara, une minute coûte 50 Ariary ! Et, en plus d’être chère, la connexion n’est pas encore assez rapide. Dans une ville où l’argent de poche quotidien moyen d’un lycéen est de 1 000 Ariary (0,3 euro environ) et où un plat coûte au moins 1 200 Ariary, les jeunes économisent pour manger plutôt que pour se connecter dans les cybers. La connexion est donc moins facile d’accès dans cette partie de l’île, d’où leur retard dans le numérique. D’autre part, bien que les lycées publics malagasy soient tous dotés d’une salle numérique, la plupart n’ont pas assez d’argent pour s’offrir une connexion illimitée.

Moins de 5% de la population a accès à internet à Madagascar (d’après les statistiques 2016 de « Internet Live Stats »). Lors d’un sondage que j’ai mené sur une frange de lycéens, à Antananarivo comme dans les provinces, j’ai découvert qu’ils sont 7 sur 10 malagasy à consommer en moyenne 10 mégaoctets par jour, (cela correspond à la consommation minimale proposée par les opérateurs téléphoniques grâce à des tarifs de 100 ariary par jour (0,03 euro) et qui offre une connexion à Facebook uniquement). Dans un pays où la population vit avec moins de 1 euro par jour, ce coût est encore très élevé.

Voilà, entre autre, les raisons pour lesquelles Madagascar ne fait pas bon ménage avec Youtube, on comprend pourquoi les internautes malagasy utilisent plus Facebook que Twitter ou tout autre réseau social, pourquoi les sites web du pays n’enregistrent que 30 visites par jour, et pourquoi l’internet semble si merveilleux mais intouchable pour nos jeunes malagasy…

 

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