SOS ! Je suis malagasy et je cherche des ailes à acheter !

Article : SOS ! Je suis malagasy et je cherche des ailes à acheter !
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27 juin 2018

SOS ! Je suis malagasy et je cherche des ailes à acheter !

Avis. Urgent ! Jeune femme malagasy d’Antananarivo, Madagascar, recherche des ailes à acheter. Etat 9/10. « Made in n’importe où » tant que cela est fonctionnel. De n’importe quelle couleur sauf jaune (je n’aime pas le jaune !)

Oui, vous l’aurez compris, je veux acheter des ailes ! Voici pourquoi :

Pourquoi je veux des ailes ?

Nous sommes le 25 juin, veille de la Fête de l’Indépendance à Madagascar. Contrairement aux autres années, cette fois-ci la Fête de l’Indépendance s’annonce bien discrète. Il est 14 heures, je suis à Betongolo, un quartier de l’Est de la capitale, près du centre-ville. Dans la rue, les passants ont un air renfrogné rien qu’à l’idée de devoir acheter le kilo du riz à 1 700 Ariary , soit environ 0,44 Euro. Peu de sourires dans les rues alors que ce soir tous pourront admirer les feux d’artifice, mais en ont-ils seulement envie ? D’ailleurs, les gens pensent plus à regarder le football à la télévision  qu’à aller admirer le fameux feu d’artifice que l’on regarde chaaaaaaaaque année depuis 60 ans tous les 25 juin à 19 heures. C’est devenu teeeeeeellement habituel…

Et oui, je résume ici en quelques lignes à quel point l’atmosphère est devenue morose – et le mot est faible – à Madagascar. On souhaiterait bien que cela change, sauf qu’on ne voit même plus comment. Ou plutôt si ! Moi je sais ! En m’achetant des ailes ! A quoi cela va-t-il servir, me demandez-vous ?

Je ne veux plus sortir de chez moi – ni la plupart des malagasy d’ailleurs – sauf si j’y suis obligée. Genre vraiment vraiment vraiment obligée ! Parce-que je ne ne veux pas passer trois heures dans les embouteillages !

Rouler en moto, dites-vous ? Les rues d’Antananarivo sont tellement serrées que les motos roulent sur les trottoirs ! (Je ne plaisante pas, c’est bel et bien le cas !)

Marcher dites-vous ? Les trottoirs sont envahis, comme je l’ai dit, par les motos, mais aussi par les voitures et les marchands de rues !

A tout cela s’ajoute l’insécurité qui fait que je peux me faire voler mon sac dans ma voiture, dans le bus, et même en pleine rue en marchant, sous le regard incrédule des passants.

C’est pourquoi je pense que peut-être avec des ailes, je pourrai à la fois éviter les embouteillages, les voitures, les motos, les marchands de rues, les pickpockets… Car c’est dans ce stress constant que je vis, que les malagasy vivent.

Quelle indépendance ?

indépendance de Madagascar
Le feu d’artifice pour marquer la Fête de l’Indépendance à Madagascar a lieu tous les 25 juin de l’année à 19 heures, heure locale.  cc: Tiasy

Je me disais aussi que peut-être, avec des ailes, les malagasy pourraient devenir « réellement » indépendants. Cela fait 58 ans que nous avons obtenu notre indépendance, et chaque année on se sent toujours plus dépendants de quelque chose ; peut-être pas des anciens colonisateurs, mais d’autres phénomènes.

Dépendants des embouteillages, dépendants de l’inflation, dépendants de notre voisin, dépendant du prêtre, dépendants du pasteur, dépendants de la Communauté internationale, dépendants des aides extérieures… Et même pire : dépendants de cette indifférence et de cette  incrédulité face à tout ce qui se passe dans le pays. De tout cela d’ailleurs, la dépendance à l’indifférence est la pire de toute.

C’est dans la tête que cela se passe. Une fois conscient de cette dépendance à l’indifférence, nous pourrons peut-être enfin commencer à faire quelque chose de notre pays.

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