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Et si je commençais mon nomadisme numérique à Nosy Be ?

J’ai enfin réalisé mon rêve ! Voyager et visiter l’île de Nosy Be, à Madagascar : une légende, un mythe pour les touristes étrangers mais aussi locaux. Car oui, quand on parle de Nosy Be, on pense belles plages, on pense vacances, on pense soleil, on pense fun, on pense fêtes, on pense bières, on pense boîtes de nuit… Et moi, en plus de tout cela, je pense «nomadisme numérique» et délocalisation.

* Cet article n’est pas une publicité pour le tourisme, même si cela y ressemble et y contribue automatiquement. J’y couche surtout mes aventures à Nosy Be, mes impressions, et mes pensées intimes. En espérant quand même, chers lecteurs, qu’elles vous intéresseront.

Pourquoi du nomadisme numérique ?

Liberté. cc: Une amie que j’ai rencontré là-bas

Je me décrirais comme une amoureuse de la liberté. Une âme extravertie mais également devenue solitaire, à force d’aspirer chaque émotion un peu trop profondément. Parce que je passe mon temps à ressasser et à évaluer ma vie : futur, passé, présent. Chaque seconde, chaque heure, chaque minute. Hypersensible, en demande d’attention, avec une envie contradictoire d’indépendance et d’autonomie… Je vous avoue que parfois, même moi et les multiples personnes dans ma tête, nous nous disputons. Dans ces moments, je me pose des questions existentielles, comme mon amie Audrey, que j’ai d’ailleurs rencontrée à Nosy Be, me dirait.

Je trouve que le nomadisme numérique me va bien. J’aime être seule (même si parfois je ne supporte pas la solitude aussi). J’ai fini par apprécier ma propre compagnie car j’ai l’impression que rien ni personne ne pourra jamais me satisfaire autant que moi. Oui, je suis malade dans ma tête et non, je ne veux pas me soigner.

Mon rêve : rester au soleil

Cependant, je ne veux pas passer ma vie comme un ermite. Je souhaite rencontrer de nouvelles personnes tous les jours. Pouvoir vivre sous les tropiques, dans une cabane (qui capte le wifi car ceci est un must en tant que nomade numérique)… Au bord d’une mer comme celle de Nosy Iranja. Et je veux pouvoir de temps en temps siroter un cocktail avec des amis.

La question qui se pose : où trouver ces amis qui semblent être tellement rares que j’ai presque perdu espoir. Et, d’après plusieurs remarques que j’ai eues : je fais trop un « fiainam-bazaha » (1) pour pouvoir avoir des amis et des petits amis qui me supporteraient, en tout cas à Madagascar.

Puis, si c’est pour vivre dans un pays où l’on est aussi étroit d’esprit, je préfère franchement m’exiler sur une île déserte, avec des tortues de mer, des dauphins et des crabes.

Mais pourquoi Nosy Be ?

Eh bien, je vous avoue que je n’ai pas trop la réponse à cette question. Nosy Be est une ville où le coût de la vie est cher. Et je dois vous avouer que les habitants ne sont pas forcément aimables (je vous invite à lire mon article sur ma première fois à Diego, les habitants de Nosy Be ressemblent beaucoup à ceux dont je parle dans l’article.) Et le pire : la route est gravement endommagée. En vérité, elle l’est tellement que je ne repartirai plus dans le Nord du pays sauf si on m’offre un billet d’avion aller-retour. Ou en aller-simple pour Nosy Be, pour rester, oui.

Mais malgré tout cela, comme je l’ai dit, je veux un endroit ensoleillé et chaud. Et enfin, je ne veux pas encore m’éloigner de la Grande île car il se peut que je doive rentrer, parfois, pour des raisons personnelles ou professionnelles. Et d’autre part, je voudrai partiellement vivre à Nosy Iranja. Comment ? Je ne sais pas, mais je sais que je veux, et quand je veux je peux.

L’intérêt du nomadisme numérique

Je veux faire du nomadisme numérique car j’ai toujours voulu voyager en travaillant. Je déteste travailler entre quatre murs, je hais la pression permanente des patrons, je hais le fait de devoir travailler à des heures non flexibles. Surtout si c’est pour ensuite courir après les bus d’Antananarivo et rentrer dans des quartiers où l’eau et le courant coupent tellement souvent, qu’on a l’impression de vivre à l’âge de pierre. Et encore, quand il pleut, je vous jure que vous devenez un cascadeur, un ninja, un combattant comme dans le clip « Fohazy ilay zaza » de Reko. Et ceci n’est pas une blague.

Je trouve plus d’inspiration quand je me retrouve dans un endroit chaud (vers les 30 degrés, au moins !), ensoleillé, avec une belle vue. Je suis plus efficace dans ces endroits-là.

La belle plage d’Iranja et moi. cc: Une amie que j’ai rencontré là-bas

Et, pour ceux qui se demandent, j’ai la possibilité de faire ça, grâce à mon travail dans l’industrie numérique. J’ai monté une start-up en juillet 2018 : Book News Madagascar. C’est à la fois un blog d’informations et une agence numérique qui fournit des prestations de service dans le domaine, avec pour vision d’apporter un changement positif à travers la technologie. Donc oui, je peux piloter mon entreprise à distance. Et je l’ai déjà fait à plusieurs reprises : à Toamasina, à Diego, au Kenya…

Mes vacances à Nosy Be : voyage organisé, aventures, expériences, mes plus belles vacances !

Si on parlait de mes vacances à Nosy Be, pour résumer, je dirais que ce sont mes plus belles vacances jusqu’ici ! J’ai 25 ans, j’ai voyagé dans beaucoup d’endroits, tant localement qu’internationalement, et j’ai passé mes plus belles vacances sur cette île.

Je suis partie en solo, comme d’habitude (ou je dirai, comme la plupart du temps). Comme je ne connaissais rien de cet endroit et que je voulais quand même y aller depuis un bon bout de temps, j’ai profité de l’offre de Marodia, un tour operator loca, dont la CEO est une bonne amie aussi.

Je voulais également, pour la première fois de ma vie, passer les fêtes de fin d’année en dehors d’Antananarivo.

Une hernie et de belles rencontres

Le 28 décembre 2020, me voilà partie, sac au dos, caméra et trépied en plus, prête pour une aventure sur route de mille kilomètres et plus (note pour moi-même : ne plus jamais refaire cela, haha). Vingt-huit heures de route et environ trente minutes de vedette rapide, vieille de plusieurs années. Un voyage qui m’a donné une hernie, mais qui m’a aussi fait rencontrer de nouvelles personnes, bronzer au soleil, prendre une des plus belles photos de la planète, et me sentir heureuse comme je ne l’ai jamais été ! Et oui, les mille kilomètres valaient le coup !

C’était la première fois pour moi que je participais à un voyage organisé. C’était un peu comme une colonie de vacances, mais avec zéro limite d’âge. Il y avait plus de nourritures, plus d’échanges, plus d’ambiance, et de temps en temps, plus de frustrations (haha). Ne vous méprenez pas, j’ai vécu une expérience unique et très constructive. J’ai découvert diverses personnalités : du plus sympathique au plus chiant. Ces rencontres m’ont appris à être plus patiente, et j’ai appris à gérer un budget serré, quand on vit dans un endroit où un Coca PM coûte quatre milles Ariary.

J’ai également pu me faire de nouvelles amies, dont Audrey, mentionnée plus haut, Mih, Fah, et plein d’autres !

Des endroits paradisiaques

J’ai pu visiter des endroits paradisiaques. Madagascar est beau, Nosy Be mérite d’être visitée par chaque individu Malagasy. Il n’y a pas que la France, l’Angleterre, les Etats-Unis, la Chine ou encore le Japon qui sont beaux et qui méritent des selfies et des recommandations. Il y a Nosy Komba, Nosy Tanihely et Nosy Iranja.

Nous avons visité la forêt des lémuriens à Nosy Komba, et j’en ai profité pour également m’acheter de très belles boucles d’oreilles.

A Nosy Tanihely, nous avons pu profiter d’une plage couleur émeraude pendant deux heures. Nous avons aussi pu déguster des spécialités locales : un gros poisson bien frit, des brochettes de crevettes, du crabe bien cuit et des achards mangue à la vinaigrette.

Nous avons également visité Lemuria Land, l’usine d’ylang-ylang, et le groupe a visité Mont Passot pour admirer le coucher de soleil. Je n’y suis pas allée : Audrey, Jay (une amie de Tana) et moi, nous sommes allées en ville pour acheter des « voandalana » (2) et visiter un peu.

Moi à Lemuria Land. cc: Une amie que j’ai rencontré là-bas

La nuit du 31 décembre 2020, premier réveillon passé hors de Tana pour moi, j’étais hyper excitée ! Nous avons dîné avec le groupe. Ce dernier a joué une partie de loup-garou, et ensuite, quelques jeunes du groupe, dont moi, sommes partis à Ambatoloaka. C’est un lieu traditionnel pour passer le réveillon à Nosy Be. Boîtes de nuit, alcools à gogo, cigarettes … Tout ce que vous voulez, oui, les Nosibéens savent faire la fête ! Un peu trop, je dirais ! Toutefois, ce fut une belle expérience.

Et enfin, pour commencer l’année en beauté et clôturer ces belles vacances, quoi de mieux que de passer le 1er janvier à Nosy Iranja, l’île paradisiaque. Un banc de sable blanc, quelques parasols, une mer bleue comme on en voit uniquement dans les films, naturellement chaude et juste optimale pour la baignade (ni peu profonde ni trop profonde) vous attendent. Je n’ai pas les mots ; je vous laisse voir tout cela en photos, et également en vidéo sur ma chaîne Youtube que je viens de lancer (après deux ans d’hésitation). Bon visionnage et surtout – je déteste dire ça mais bon, ‘faut bien ! – abonnez-vous !

(1) « fiainam-bazaha »: expression malagasy pour qualifier la vie que des Malagasy mènent qui ressemblent à celle des étrangers, « vazaha » étant un terme pour désigner les étrangers, notamment les blancs, à Madagascar
(2) « voandalana »: mot malagasy pour désigner les souvenirs qu’on ramène de voyages


Je me suis lancée le défi de vivre une vie d’adulte

Il y a deux ans, je me suis lancée le défi de vivre seule pour avoir un aperçu de la « vie d’adulte ». Oui, je suis folle au point de faire ce genre de chose. Donc, un bon matin, j’ai décidé d’aller me chercher une maison. C’était un jour du mois de décembre 2018. Et comme toutes les personnes vivant à l’ère des réseaux sociaux, j’ai commencé par faire des recherches sur Facebook. Depuis, ma vie n’a plus jamais été la même…

J’aime bien me mettre des objectifs dans la vie. Je suis quelqu’un qui carbure aux challenges (non pas les challenges comme sur les réseaux sociaux, les vrais ! Ceux qui font trembler la plupart des gens rien qu’à y penser !), aux sensations fortes, à l’aventure !

En décembre 2018, j’avais 23 ans et 6 mois. J’avais déjà fini mes études (du moins, la première partie), ma petite entreprise était en pleine commercialisation, et je venais de rompre avec mon petit copain de l’époque. Wep, pour vous dire, c’était tout sauf une vie de routine ! Et comme si cela ne suffisait pas, il a fallu que j’aille chercher la petite bête en décidant de vivre seule.

Et non, ça n’avait rien à voir avec la famille ! J’adorais – et j’adore – ma famille. J’étais heureuse, j’étais épanouie à la fois personnellement et financièrement, et je n’avais pas trop à me plaindre à part le fait que je n’avais pas mon propre lit et que j’avais pour bureau notre salle-à-manger, que j’occupais presque H24 à cause d’une montagne de travail. Car oui, je travaillais beaucoup, je faisais environ 12 heures de boulot par jour, pour mon entreprise. Et c’est d’ailleurs de là que le défi est né : essayer d’être indépendante professionnellement et de ne plus dépendre de la salle-à-manger de mes parents.

Challenge accepté

Vous me direz : « N’est-ce pas de la folie ? Pourquoi aller se payer un bureau si tu peux en avoir un gratuitement, nourriture et connexion incluses ? »

Eh bien en fait, la vérité c’est que : notre forfait ne suffisait pas, et je devais quand même aller au cybercafé dès la moitié du mois pour continuer à travailler. Ensuite : il y avait du bruit, ce qui m’empêchait de me concentrer.

Et enfin, il faut que je l’avoue : j’étais nulle en tâches ménagères, notamment en cuisine, et j’étais nulle à faire le marché ! Je ne savais même pas comment acheter des légumes. Etait-ce au kilo, au « toko »(1), au « kapoaka »(2)?

Ne vous méprenez pas ! Mes parents m’ont tout-à-fait appris à faire la cuisine et le marché. Je n’ai juste pas – et j’ignore pourquoi – la patience, la mémoire et la passion pour ce genre de chose ! Je peux très bien me souvenir  des différents tarifs de sponsorisation de pages Facebook chez mon entreprise, mais je ne peux même pas me souvenir de comment cuisiner du « tsaramaso sy henakisoa ». Enfin, maintenant si, mais pas il y a deux ans…

Se fixer des objectifs

Comme je vous l’avais dit, j’aime bien me fixer des objectifs : je me suis donc ainsi donner deux ans pour réussir à faire tout le travail que les adultes (et notamment ma mère que je considère comme mon modèle : une femme forte, une leader, une directrice d’école, entrepreneure et à la fois femme au foyer qui a élevé trois filles et qui s’occupe aussi de son mari) font chaque jour de leur vie.

Je voulais qu’à 25 ans, je sois prête, pour une vie meilleure… Enfin, bon, une vie meilleure. Là j’ai 25 ans et je vous avoue que c’est le grand bordel, cependant j’ai réussi le défi que je me suis lancée : être entièrement autonome en tant que femme entrepreneure et femme au foyer. Et pour moi, c’est déjà un grand accomplissement !

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Moi, coupant mon gâteau d’anniversaire pour mes 25 ans, en juin dernier. cc: Eidole

Quand j’ai décidé de vivre toute seule, la première chose à laquelle j’ai fait face fut la pression de la société. Voyez-vous, dans la société malagasy, une fille ne quitte le foyer qu’une fois mariée. Même chose pour un homme, sauf s’il veut quitter le foyer. Mais je dois aussi dire que les jeunes malagasy aiment bien rester vivre chez leurs parents, premièrement, et ceci n’étant pas leur faute, à cause de la pauvreté, et deuxièmement à cause de la paresse, malheureusement. Chez nous à Madagascar, on est quand même un peu paresseux…

Bref, ces deux choses m’ont fait défaut, je n’y ai jamais adhéré. J’ai travaillé dès que j’ai eu 18 ans pour pouvoir, un de ces jours, avoir mon indépendance. Je n’ai jamais été d’accord avec cette façon d’éduquer à Madagascar où l’on infantilise une personne jusqu’à  ce qu’elle soit mariée, et je trouve encore plus abérant le fait que nous l’acceptions encore aujourd’hui.

Ceci ne signifie pas qu’il faut absolument contredire les parents ou manquer de respect aux ainés, ceci signifie seulement qu’on peut très bien réclamer notre indépendance, car je ne vois nullement l’intérêt d’avoir 25 ans si c’est pour encore demander à mes parents si je peux sortir la nuit.

Ceci étant dit, mes parents m’ont toujours pleinement fait confiance et cette confiance était réciproque. Résultat : je n’ai presque jamais été frustrée quant à leur mode d’éducation. Et d’ailleurs, mes parents n’ont omis aucune objection quand j’ai voulu quitté la maison. Par contre, j’avais compris de leurs propos : « Vas-y, mais assume ta décision ! »

Brrrrr… Pour assumer, il a bien fallu ! Heureusement, le challenge a été réussi !

La vie d’adulte : tout sauf une partie de plaisir !

Quand j’étais petite, je me disais toujours qu’être un adulte, ça devait être tellement bien ! On sort quand on veut, on mange ce qu’on veut, personne ne nous dit ce que l’on doit faire, on est libres !

Et pourtant, j’avais l’air de tout sauf d’une « adulte », ou d’une « future adulte » qui avait une carrière entrepreneuriale, une entreprise et encore moins une maison à moi toute seule. J’avais plutôt l’air d’une enfant qui allait décrocher son Bacc dans l’année, à cause de ma petite taille et de ma tête assez enfantine (en tout cas, à l’époque, avant que je ne stresse comme une vraie adulte !)

Bref, une fois dedans, j’ai vite déchanté : payer son loyer et ses factures, payer les impôts de l’entreprise, gérer ses collaborateurs, ses clients, son voisinage, ses amis, son petit copain… Tout ça m’a vite donné des rides et au bout de six mois, je me sentais au bout de ma vie ! Sauf que c’était un choix, et que je ne pouvais me plaindre qu’à moi-même. Et c’est ce qui m’a plu. C’est que personne ne m’avait obligé à quoi que ce soit et que je n’avais de compte à rendre à personne, car entre nous, j’ai horreur de rendre des comptes. Raison pour laquelle j’ai aussi décidé de devenir entrepreneure, pour être maître de mon temps, de mon marché, de mes services… Après, cela est vite dit, car dans l’entrepreneuriat, il existe un énorme engrenage qui vous fait comprendre que le « contrôle » est un bien grand mot (j’en parlerai dans un autre bille, peut-être, un de ces jours).

Objectif atteint

Cependant, dans toute cette triste vie (oui, elle est vraiment triste, la vie d’adulte est triste…), je peux quand même fièrement dire que j’ai atteint mon objectif principal : être entièrement autonome en tant que femme entrepreneure et femme au foyer.

Je l’ai réalisé Dimanche dernier, quand, soudain prise d’une envie folle de salade et de crudités, j’ai décidé d’aller faire le marché pour m’acheter des légumes, car c’est ce qui manquait à la maison. Je savais exactement de quelle quantité de légumes, de quels ingrédients je recherchais, et d’où trouver les meilleurs légumes du quartier. Chose qui me semblait tellement compliquée il y a deux ans !

D’autre part, à l’heure actuelle, si j’avais un foyer, je pourrai quand même réussir à dresser un petit menu bien diversifié toutes les semaines ! Chose qui me semblait également trop compliquée et ennuyeuse !

Donc voilà, je suis fière de moi !

À dans deux ans ?

Après, avec la crise sanitaire liée au Covid-19, je dois avouer que j’ai aussi beaucoup du m’adapter au changement. En termes de gestion de la nourriture et de la cuisine, c’était bon… Dans d’autres domaines, je préfère ne pas me prononcer… Objectif non atteint ! 🙁

Avec tout ça, 2020, mois de Septembre, 25 ans, je suis presque tentée de retourner chez mes parents car oui, j’ai réussi mon défi. Je ne vais pas trop me décevoir, ni décevoir mon futur mari. Enfin, pas autant qu’avant !

Cependant, après y avoir longuement réfléchi, j’ai plus décidé de me donner deux ans de plus pour de nouvelles aventures ! Et cette fois-ci, ça va être le contraire : je vais vivre ma jeunesse ! La vie d’une jeune fille malagasy du 21ème siècle ! 😉

A dans deux ans ! (Et bien sûr, j’écrirais entre-temps !) 😉

(1) »toko »: terme malagasy pour définir une certaine quantité
(2) »kapoaka »: unité de mesure malagasy utilisée au marché. « kapoaka » signifie littéralement « boîte de conserve ». Celle-ci est utilisée pour mesurer certains produits au marché: riz, lentilles, haricots… et pour faire la cuisine


Coronavirus à Madagascar – 3 initiatives originales prises par des citoyens malagasy

Confinement… Pour la majorité des confinés, cela rime avec ennui, dépression, perte d’argent ou encore régression des chiffres d’affaires. Le confinement aura chamboulé des milliards de vie et celles des citoyens Malagasy ne sont pas épargnées. Mariée à une pauvreté toujours de plus en plus marquée, un gouvernement décrédibilisé aux yeux d’un peuple qui, lui non plus, n’est pas un modèle en ce qui concerne le suivi et l’application des règles, le confinement est devenu un mode de vie compliqué et, réalistement, dur à vivre, à Madagascar. Pour égayer un peu tout ce tableau noir, des entrepreneurs, activistes, ou encore blogs ont chaque jour trouvé des initiatives originales pour faire tenir une population déjà au bord de la crise de nerfs.

Le confinement partiel a duré un mois à Madagascar. Des entrepreneurs, activistes ou encore blogs trouvent des idées originales pour casser un peu la monotonie, redonner le sourire, et satisfaire les plus petits comme les plus grands pour leur faire ressentir, tout au moins, un semblant de continuité de vie.

#1 Anatero : un service de livraison né du confinement

Anatero, une nouvelle start-up âgée d’environ quatre semaines, est un projet né du confinement à Antananarivo. Comme son nom qui signifie « Livrez-moi » ou « Livrez-nous »  l’indique, Anatero propose un service de livraison.

« Nous avions créé Anatero pour que les habitants puissent bénéficier d’un service de livraison tout en restant confinés chez eux. Anatero est un service qui propose deux types de Packs : Tolotra, nous proposons le contenu de la livraison, et Tinady, si les clients nous demandent si nous pouvons livre ce qu’ils nous commandent. »

explique Rameliarison Avotriniaina Stannie, la fondatrice.

Comme les déplacements, ouverture de tout point de vente de PPN, de pharmacies et autres boutiques vendant des produits de nécessité n’a été permis que de 5 heures à midi pendant le confinement dans la Capitale, et de 5 heures à 13 heures depuis le déconfinement partiel, le service de livraison travaille seulement en matinée et uniquement sur commande. Toutefois, cela aide déjà beaucoup les Tananariviens, notamment ceux qui vivent en périphérie.

#2 Le Coin des Lecteurs de Book News Madagascar

Si des entrepreneurs comme Stannie ont développé des startups pour aider les Tananariviens durant cette période de confinement, mon équipe et moi avons décidé de leur permettre de développer leur créativité.

C’est ainsi qu’est né la nouvelle rubrique « Le Coin des Lecteurs » de Book News Madagascar, un blog d’informations et agence digitale que j’ai créé en 2017.

Le concept est de recueillir les textes des lecteurs du blog et de les publier gratuitement. Les sujets peuvent varier du Covid-19 à la vie de tous les jours, en passant par le tourisme, le développement personnel, ou encore l’entrepreneuriat.

Les textes sont publiés chaque Mardi et Samedi sur le blog.

#3 Le Global Startup Weekend Covid-19

« Ensemble contre le Coronavirus », tel est le slogan que l’on peut lire sur l’affiche annonçant le Startup Weekend Covid-19. cc: Facebook

Toujours dans le but de développer la créativité, mais aussi de promouvoir l’entrepreneuriat à Madagascar, des jeunes activistes responsables de l’organisation d’évènements Startup Weekend à Madagascar ont décidé d’accepter le challenge de Techstars, l’organisation mondiale qui gère les évènements Startup Weekend à travers le monde, d’en organiser un à Madagascar, en ces temps de confinement.

C’est ainsi que l’initiative Global Startup Weekend Spécial Covid-19 est née, et aura lieu du 24 au 26 avril 2020, totalement en ligne.

« La crise du Covid-19 même est déjà un gros challenge pour plusieurs raisons à Madagascar. Donc c’est le moment pour créer des concepts innovants. L’idée de l’évènement est d’être le plus pratique et le plus accessible possible. Donc la majorité des échanges se fera sur Facebook qui est un outil très complet, en fin de compte »,

a expliqué Marosoa Randriambololona, initiateur de l’évènement.

En effet, Facebook est l’outil le plus accessible à la majorité des malagasy, car les opérateurs proposent des forfaits à moindre coût pour l’utilisation de ce réseau social.

Il faut rappeler que le Startup Weekend est un évènement entrepreneurial dont le concept est de monter une startup en 48 heures, en équipe. Pour cela, les participants soumettent des projets, puis des votes démarrent, et les projets qui ont obtenu le plus de vote sont alors développés en 48 heures. Des coachs et mentors dirigent les participants durant tout le parcours. À la fin de l’évènement, un pitch de projet est effectué par un représentant de chaque groupe. Les 3 meilleurs projets sont ensuite récompensés.


Ankazobe – 90 kilomètres pour passer dans une autre dimension – Partie 2

Je me suis avancée vers une bâtisse, où il y avait écrit « Hôtel Le Bonheur ». J’ai fixé la plaque des yeux en essayant de trouver une quelconque information qui dirait « Fermé le weekend ». Cela ne serait même plus étonnant.

J’étais en train de bien regarder la plaque quand une femme est venue dans ma direction. J’ai presque failli crier.

Elle semblait avoir une trentaine d’années, le sourire jusqu’aux oreilles, la voix assez grinçante.

Bonjouuuuuur !

Bonjour ! Vous… Vous êtes fermés ?

Non non, nous sommes ouverts !

Ah d’accord. Cool ! Euh… C’est à combien, vos chambres ?

30 000 Ariary pour celles dont les toilettes sont à l’extérieur et 40 000 Ariary pour les toilettes à l’intérieur.

Parce qu’il y a des hôtels où les toilettes sont à l’extérieur ?…

Puis-je voir celles à 30 000 Ariary ?

Oui, bien sûr ! fit-elle, très sympathique. Un peu trop à mon goût.

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Nous portons tous un masque dans cette vie. cc: Pixabay

Je dois avouer que ce ne fut pas la chambre d’hôtel de mes rêves. C’était d’ailleurs une maisonnette, disposée comme un bungalow. Mais pour passer une nuit à se réconcilier avec soi-même, tant qu’il y avait un lit, cela me suffisait.

Ça vous va ?

Oui oui, pas de problème.

Enfin, si, petit problème : la porte ne fermait pas.

Euh… Cette porte ne ferme pas ?

Non non, aucune porte ne ferme ici ! C’est une localité très sécurisée. Vous n’avez rien à craindre.

Eh ben ! Depuis le temps que je rêve de ne pas craindre de voleurs ou de violeurs si ma maison ne se ferme pas…

La dame a ensuite appelé un homme.

Peux-tu recevoir cette personne ? Elle va dormir ici pour la nuit ! cria-t-elle

Un homme d’une trentaine d’années, à peu près de la même taille que moi, sortit d’une petite construction à une pièce, similaire à la maisonnette-chambre.

Manao ahoana tompoko o ! fit-il, avec ce débit de parole -_-

Manao ahoana o !

Voilà, je vous laisse ! fit la dame en partant.

Je me suis alors retrouvée nez-à-nez avec cet homme, qu’on va appeler Dolin (ceci est bien sûr un nom d’emprunt).

Vous allez rester ici juste cette nuit ? me demanda-t-il en scrutant la salle de bain

Oui.

Oh, c’est dommage. Pourquoi ne pas rester plus longtemps ?

Oh… J’aimerais bien mais bon, j’ai aussi des choses à faire à Antananarivo.

Ah, donc vous venez de la Capitale ?

Oui.

Mmmmh… Il n’y a plus d’eau dans cette chambre, je vais vous en prendre.

L’eau  n’était pas trop mon problème à ce moment. Mon téléphone était complètement déchargé et ça faisait cinq minutes que j’essayais de détecter une prise quelque part entre murs et les meubles de la maisonnette.

Attendez. Il n’y aurait pas une prise dans cette maison ?

Une prise ?… Si, mais on n’a pas le courant.

Mon Dieu ! L’hôtel n’a pas le courant, et je dois payer 30 000 Ariary pour y passer la nuit… Comment cela était-il même possible ? …

Comme si Dolin avait lu dans mes pensées, il enchaina :

En fait, on avait un panneau solaire. Mais celui-ci ne marche plus depuis la semaine dernière. On ne sait pas ce qui s’est passé mais après les fortes pluies, ça n’a plus capté. On doit attendre quelques semaines avant d’en avoir un nouveau.

Ah ! La poisse : Fallait-il que ça tombe sur moi ? -_-

Bon. Rien de mieux pour se réconcilier avec soi-même que de passer 12 heures dans le noir… Quelle joie ! Que peut-on demander de plus ? …

Pendant que Dolin était allé puiser de l’eau, je me tournais les puces en écoutant mon ventre gargouiller. Il était 15 heures 30.

Dolin est vite revenu, avec un seau plein d’eau.

Voilà Madame ! Vous avez de l’eau maintenant ! fit-il en déposant le seau dans la salle de bain

Merci. Dites, l’hôtel a un restaurant ou une gargote ? Quelque chose ?

Oui, nous avons un restaurant…

Ah, super ! J’ai trop faim ! m’exclamai-je en sortant avec entrain

…Mais on n’ouvre pas en weekend !

J’ai senti comme une vague de déception envahir mon être.

Donc, en fait, je paie 30 000 Ariary pour le lit… Et je n’avais même pas cette somme sur moi. Il va falloir trouver un kiosque de mobile-banking avant le coucher du soleil. D’autre part, j’avais rendez-vous avec un guide touristique pour une randonnée dans trente minutes. Et tout cela m’avait l’air d’un très mauvais film d’horreur…

Par contre, on peut vous faire à manger si vous commandez, mais ce ne sera près que vers 18 heures car le cuisinier n’est pas encore là, continuait Dolin

Mais est-ce qu’il n’y a pas de restaurants plus proches, dans les environs ? Je n’ai pas encore déjeuné.

Non, ils sont tous fermés, mais je vais descendre en ville si vous voulez venir avec moi.

Je ne sais plus trop si c’était une bonne idée ou pas de trainer avec un inconnu en pleine montagne sur environ deux kilomètres, dans un lieu où je ne connaissais personne, mais bon, j’avais trop faim et je n’avais pas toute ma tête. Par contre, je ne pourrai venir avec lui qu’après la randonnée.

Maintenant ? demandai-je

Non, dans une ou deux heures.

D’accord, cela me va, répondis-je. Par contre, si vous aviez un peu d’eau, car je vais aller en randonnée pour une heure et trente minutes environ.

Dolin se faufila dans la petite maisonnette d’où il était sorti pour la première fois, et en revint avec une bouteille d’eau vive remplie de « ranovola »(5). Hallelujah ! Ça allait me tenir en vie pour au moins deux heures.

Je suis donc partie en randonnée, pour ensuite rejoindre Dolin deux heures plus tard et aller me trouver un casse-croûte en ville, ainsi qu’un kiosque de mobile-banking.

Une nuit face à soi-même

tiasy
Nous sommes très nombreuses dans ma tête, c’est juste que l’on ne voit que moi. cc: Tiasy

La soirée promettait d’être longue. Dolin et moi avons été surpris par la pluie, en ville, et le seul mobile-banking disponible avait fermé, ainsi que la plupart des épiceries, gargotes et restaurants des environs.

J’ai fini par m’acheter quelques biscuits chez un grossiste, et Dolin m’a ensuite commandé à manger une fois que nous sommes arrivés, vers 19 heures 30.

Vers 20 heures, me voilà face à moi-même, sans téléphone, sans ordinateur, avec pour seule compagnie une bougie, un bloc-notes et un stylo. Des bruits bizarres se faisaient entendre de temps en temps mais, si j’écris ceci, c’est que ces bruits n’ont rien été d’inquiétants.

Je reviens à ce que j’avais dit dans la Partie 1 de ce billet (), « passer un weekend seul,, sans personne à qui parler, loin du bruit, loin des gens, loin de la société, loin du monde, voilà une thérapie intéressante et efficace que je conseillerai à toute personne qui a besoin d’une renaissance, d’un renouveau. »

Nous sommes assez nombreux dans ma tête (je vous épargne les détails). Dans la vie de tous les jours, nous n’avons jamais trop le temps de discuter de nos joies, de nos problèmes, d’avoir des débats sur les décisions que « je » prends, sauf les nuits, quand je vais aller me coucher, et que toutes les voix commencent à parler en chœur… Enfin, plus en cacophonie qu’en chœur mais bref, vous l’aurez compris. Et non, je ne suis pas folle ! Enfin, je le suis, mais pas dans le sens strict de la folle que l’on interne dans les hôpitaux psychiatriques, bien que mon copain me le demande souvent (xD)

Bref, cette nuit-là, j’ai été face à toutes les personnes dans ma tête. Oui, un véritable film d’horreur sauf que voilà, personne n’est mort (je vous spoile).

En fait, ce fut littéralement une discussion constructive, où j’ai pu me poser toutes les questions qui me trottinaient en tête et avoir toutes les réponses dont j’avais besoin.

Parmi les questions que je me posais, et j’imagine, que tout adulte (ou pas) normal et sain d’esprit (ou pas) se posent à un moment de sa vie :

« Pourquoi j’ai pris cette décision ? »

« Pourquoi j’ai fait ça ? »

« Pourquoi j’ai choisi ceci et pas cela ? »

« Pourquoi je suis comme ça ? »

Me remettre en question, voilà, en résumé, ce que j’ai fait à Ankazobe. Et j’ai pu y retrouver mes réponses pour revenir ensuite à la vie et reprendre là où je m’étais arrêtée, avec un nouveau souffle.

Ne vous attendez pas à un monologue où je vais vous dire que j’ai découvert que je me suis trompée de carrière, ou ce genre de chose XD. Non, je dirai juste que j’ai retrouvé ma place dans ce monde, et que je conseillerai la même thérapie à tous ceux qui se posent des questions en ce moment.

Et si vous ne vous posez pas de questions, c’est peut-être le moment de vous y mettre…

Je vais conclure en disant que j’ai failli ne pas rentrer parce que réserver un taxi-brousse d’Ankazobe à Antananarivo relève du parcours du combattant, et que j’ai dû attendre deux heures après la réservation sur place pour attendre que le taxi-brousse remplisse avant d’embarquer, alors qu’à la réservation ils me balancent :

« Haingakaingana Madama fa ianao sisa no andrasana !” (6)

Heureusement, entre-temps, j’ai pu charger mon telephone dans les “kiosques” réservés à cela, car oui, cela existe à Ankazobe : des kiosques de chargement !

200 Ariary par heure, et c’est un gagne-pain qui rapporte !

Avis aux entrepreneurs qui veulent gagner de l’argent rapide ! Haha !

Eh oui, une toute autre dimension… 🙂

(5) « ranovola » : eau de riz bouillie, très commun pendant les repas malagasy
(6)« Haingakaingana Madama fa ianao sisa no andrasana !”: phrase malagasy signifiant « Dépêchez-vous Madame, on n’attend plus que vous! »


Ankazobe – 90 kilomètres pour passer dans une autre dimension

Je voulais commencer l’année avec un article inspirant, inspiré, inhabituel, original. Une histoire qui vaille la peine d’être racontée et qui dégagerait à la fois bonheur, joie, mélancolie, nostalgie, envie d’aventure… Mais surtout, un article où je pourrai raconter ma dépression sans avoir à déprimer. Car oui, j’avais fait une dépression (c’est passé maintenant, ou presque… :p) et j’ai survécu à l’année 2019 !

Passer un weekend seul, sans personne à qui parler, loin du bruit, loin des gens, loin de la société, loin du monde, voilà une thérapie intéressante et efficace que je conseillerai à toute personne qui a besoin d’une renaissance, d’un renouveau. Moi, je suis partie à Ankazobe. Accessible, pas loin de la Capitale, à seulement 90 kilomètres de là, et pourtant, on se croirait dans un tout autre siècle.

Là-bas, je ne me suis pas juste débarrassée de ma dépression. J’ai découvert un autre monde.

Pourquoi Ankazobe ?

On ne s’attend jamais à ce que la vie nous réserve. On peut être la personne la plus forte au monde aujourd’hui, et être le plus faible demain. On peut être le plus riche aujourd’hui, et le plus pauvre demain. On peut être aimé et aimer cette personne aujourd’hui, et être détesté et la détester demain…

Je fais partie de ces personnes qui ne peuvent pas se séparer des problèmes. Oui, j’aime ça. Je n’aime pas la monotonie, je n’aime pas la routine ; j’adore les challenges, les situations où je dois me surpasser et faire face à mes plus grandes peurs, les choses compliquées où je dois absolument trouver une solution à chaque point pour régler chaque détail qui cloche…

Sauf que voilà, parfois, je recherche trop de problèmes. L’année dernière, je me suis alors retrouvée engloutie par ces derniers, qui étaient notamment d’ordre personnel. Et une fois que l’on se fait engloutir, c’est assez dur d’émerger à la surface complètement saine d’esprit (déjà que je ne le suis pas -_-‘ !)

Bref, cela va vous sembler contradictoire mais je suis partie échapper à mes problèmes ! Comme je n’avais pas beaucoup de sous, ni beaucoup de temps libre, j’ai dû chercher un endroit près de la Capitale, mais pas trop, à coût accessible, calme, assez campagnard, loin des gens, loin de la société, loin du monde… Dans un excès de folie, en pleine insomnie, avant-dernière semaine de Décembre, j’ai pensé à Ankazobe, où j’avais déjà passé une matinée pour effectuer un reportage à la réserve d’Ankafobe, à une trentaine de kilomètres de là, en 2018.

Un bon matin de Samedi, sac-à-dos, tee-shirt, jogging et converses, 20 000 Ariary – soit environ 5 Euros – en poche, je suis partie de chez moi, j’ai pris le premier taxi-brousse qui allait à Ankazobe, à Vassacos, et je suis partie. Je ne m’attendais à ce que mes deux jours sous les « ravinkazo » soient une si belle aventure.

24 heures sous les « ravinkazo »

Je suis arrivée à la ville d’Ankazobe vers treize heures. Le ciel était gris et lourd, l’orage promettait de faire des siennes. Je suis descendue du taxi-brousse et j’ai pris la route principale. Je ne savais pas trop où ça allait me mener, mais de toute façon, il n’y avait qu’une seule route principale, qui est la Route nationale 4 même, menant à Mahajanga.

ankazobe
La ville d’Ankazobe se situe à 94 kilomètres de la Capitale. cc: Tiasy

Ce qui choque en premier lieu à Ankazobe, une fois que l’on y pose les pieds, c’est cette impression de ville morte qu’elle donne. Car, malgré les individus que l’on voit marcher par-ci par-là, les gargottes et épiceries qui ouvrent, les « trano gasy »(1) qui surplombent la rue, la musique diffusée par les kiosques « mampiditra hira », on ne ressent aucune animation, aucune vie. Ankazobe ressemble à un village où les habitants sont des fantômes qui y ont erré depuis des années, et qui n’ont toujours pas pu réaliser la mission confiée par les pouvoirs de l’au-delà.

Pieds nus et « vakivaky »(2), les vêtements complètements délavés, portant des prénoms malagasy anciens comme « Rabe », « Rakoto », « Rabeza », « Razaka », ces habitants semblent plus se soucier du ciel bleu que de la prochaine dévaluation de l’Ariary.

J’avais une faim de loup, mais les restaurants et hôtels d’Ankazobe ferment leur porte entre midi et quatorze heures, et les quelques épiceries qui étaient ouverts ne proposaient rien d’alléchants à part des biscuits et des cacapigeons(3).

J’ai donc décidé de me résigner et d’aller à la place trouver un distributeur automatique de billets (DAB). Grosse surprise : dans cette ville d’environ 15 000 habitants, il s’avère qu’il n’y ait qu’une banque avec un DAB, et il se trouve à l’entrée de la ville. Mais j’étais déjà partie assez loin, à environ 4 kilomètres, et j’avais trop faim pour marcher jusque là-bas.

Je suis alors partie à la recherche d’un kiosque de mobile-banking, très pratique dans ce genre de situation. Sauf que, encore une fois, il y en avait très peu, et ces derniers étaient soient fermés soient localisés à l’entrée de la ville.

Je me suis alors résignée : non seulement une thérapie pour se débarrasser de la dépression mais en plus un jeun pour renforcer la foi ! Super !

Je me suis souvenue que la dernière fois que j’étais là-bas, vers 16 heures, la ville était déjà complètement déserte. Il était déjà 14 heures 30, je me devais vite de trouver un hôtel où je devrai dormir.

Je ne connaissais aucun hôtel du coin, et aucun hôtel n’était connu aussi XD. J’ai alors demandé à une villageoise, chapeau de paille, un cure-dent entre les dents, qui passait par là, où je pourrai trouver un hôtel ouvert et qui serait localisé assez près.

Un hôtel ? Oh, il n’y en a pas ! Les seuls qui ouvrent sont ceux derrière la montagne, à Mangarivotra, là-haut ! répondit-elle en désignant une montagne assez élevée, comme on en voit dans ces films épiques, avec un débit de parole tellement lent que j’aurai encore pu publier un statut sur Facebook entre-temps

Vraiment ? Et c’est à combien de kilomètres d’ici, ce Mangarivotra ?

C’est loin ! Enfin, pas tant que ça mais c’est très fatigant, il faut monter la montagne ! Le mieux, c’est de prendre un pousse-pousse.

Ah, et ils taxent combien pour là-haut ?

Ah ça, Madame, je l’ignore.

ankazobe
Ankazobe vu de la montagne derrière laquelle se trouvait mon hôtel. cc: Tiasy

J’ai rebroussé chemin pour revenir au terminus des taxi-brousses, où je pourrai sûrement trouver un pousse-pousse.

Le ciel grondait déjà, et je craignais de me faire mouiller avant de trouver un quelconque hôtel.

J’ai vite trouvé un pousse-pousse avant d’arriver au terminus.

Manao ahoana tompoko o !(4)

Manao ahoana tompoko o !

Cette simplicité et courtoisie des villageois d’Ankazobe me rappelaient une époque où je n’étais même pas née. Une façon de vivre que l’on avait perdue depuis des décennies, dans la Capitale.

Mangarivotra. Près des hôtels.

Ah non ! Trop loin pour moi !

OK… Un autre fait choquant à Ankazobe : les gens sont paresseux. Voilà. Enfants comme adultes, la principale activité des habitants du coin est de s’assoir dans les champs, après avoir cultivé les cultures ou pendant que le bétail broute l’herbe. Ils ne demandent rien de plus, je ne sais plus si c’est une bonne ou une mauvaise chose…

Mais j’un un ami qui peut vous y conduire. Attendez, je vais l’appeler.

En deux temps trois mouvements, un autre tireur de pousse-pousse est apparu.

Mangarivotra ? fit-il avec ce débit de parole toujours aussi lent qui a le don de m’agacer

Oui.

Ok.

Combien ?

5 000 Ariary.

Ce n’est pas trop cher, ça ?

Mais non ! C’est même cadeau !

Si, c’était cher, mais j’avais trop faim, et la pluie menaçait de tomber. J’ai accepté.

Une fois arrivée tout en haut de la montagne, j’ai réalisé qu’on était encore bien loin des hôtels, que l’on pouvait apercevoir à une distance plus ou moins lointaine.

Voilà ! fit le tireur de pousse-pousse en s’arrêtant.

J’ai regardé autour de moi, de la verdure à perte de vue et pas un seul humain qui pourrait m’assurer que je n’étais pas dans un film d’horreur, sauf le tireur de pousse-pousse.

Ah, c’est… encore loin apparemment… fis-je, assez embêtée

Oui, mais là-bas ça fait quand même un demi-kilomètre ! Vous devrez ajouter 1 000 Ariary si vous souhaitez que je vous dépose là-bas !

Ah ! Les villageois ! Tous les moyens sont bons pour avoir un peu plus d’argent.

Bon, tant qu’à faire.

D’accord, pas de souci, fis-je

C’est parti Madame !

Une fois arrivée sur les lieux, j’ai payé le tireur de pousse-pousse et regardé les alentours. Il y avait distinctivement quatre hôtels, et ils semblaient tous peu accueillants, froids, vieux, et surtout, fermés.

La peinture des murs se détachaient, les vitres des bâtiments étaient cassées, et encore une fois, il n’y avait même pas un chat dans les alentours. J’étais partie pour ne plus revenir, et la pluie commençait à tomber à petites gouttes…

(à suivre)

(1) trano gasy: se dit des maisons en architecture malagasy traditionnelle
(2) pieds « vakivaky« : se dit des pieds crevassés à force de marcher pieds nus tout le temps sur des rues poussiéreuses
(3) cacapigeons: pâte frite en forme de caca de pigeon, d’où le nom, incontournable mets consommé lors de repas entre amis ou en famille
(4) « manao ahoana tompoko« : bonjour, formule formelle, en malagasy


5 petits miracles de la visite du pape François à Madagascar

Je n’écris pas trop sur la religion. Je n’ai jamais trop aimé aborder ce sujet dans mes écrits, mais là je pense vraiment qu’il y a de quoi faire un texte original, éducatif et constructif, à propos de la visite du Pape François à Madagascar. S’il y a bien des choses qui m’ont choquée durant la visite du Saint Père dans la Grande île, je pourrai les résumer en trois mots: discipline, foi et volonté. La visite du numéro 1 de l’Eglise catholique qui a eu lieu du 6 au 10 septembre 2019 aura démontré la véracité de cet adage: « Quand on veut, on peut. » Dans tous les sens du terme.

Je vais énumérer dans cet article 5 faits spéciaux qui ont eu lieu lors de la visite du Pape François à Madagascar. Des faits qui sont peut-être anodins dans d’autres pays du monde, mais qui n’avaient plus eu lieu depuis des années dans la Grande île, si bien qu’on pourrait les qualifier de petits miracles, tellement on avait perdu la foi!

1- Les piétons savent encore utiliser les trottoirs

Qui l’eut cru! Les piétons de Madagascar savent encore utiliser les trottoirs! Un réel petit miracle! Pour la première fois depuis mes 24 ans d’existence, j’ai vu toute une file indienne suivre les trottoirs sans déborder sur la route des automobilistes.

Oui, il y en a eu 4 ou 5 qui ont quand même voulu dépasser les rangs et démontrer qu’ils étaient plus pressés que la majorité des piétons (et croyez-moi, on l’était tous!), mais en général, l’ordre a été respecté. Tellement respecté que ça me manque déjà! Les voitures n’avaient pas à klaxonner, les gendarmes et policiers surveillaient la circulation sans avoir à siffler à tue-tête, les gens marchaient paisiblement… Un vrai bonheur!

2- Les Malagasy peuvent éviter de « misisika »(1)

S’il y a bien une chose pour laquelle les Malagasy sont connus, c’est la culture du « misisika »: cette façon de se bousculer à tout moment, à tout instant, pour n’importe quelle raison! « Misisika bus », « misisika WC », « misisika douche publique », « misisika hijery fety »(2), et, récemment, « misisika avy nijery fety »(3)…

Un incident qui a eu lieu le 26 juin dernier, jour de la fête de l’Indépendance, a conduit à la mort d’au moins 16 personnes.

Lors de la grande messe du 8 septembre, conduite par le Pape François au domaine Soamandrakizay, à laquelle a assisté un million de fidèles, une des plus grandes peurs des organisateurs, des fidèles, des spectateurs amorphes (ceux qui ne sont pas forcément intéressés à voir le Pape mais qui craignent quand même que les choses ne débordent), et une des plus grandes attentes des opposants (oui, l’Eglise catholique a des opposants), c’était justement qu’une bousculade ait lieu à l’entrée ou à la sortie de la messe. Ce qui mettrait de l’ombre à tout ce beau tableau, car cela entraînerait des blessés ou même des morts.

Et non! Les fidèles, et je dirais même les Malagasy, ont démontré qu’ils peuvent très bien sortir sans se bousculer. Avec bien sûr l’aide des forces de l’ordre, qui ont joué à 100% leur rôle durant ces 4 jours à marquer d’une pierre blanche. Et justement, je vais y venir!

3- Les forces de l’ordre peuvent très bien accomplir leur mission n°1: le maintien de l’ordre

Maintenir l’ordre dans un domaine de 75 hectares regroupant un million de personnes, c’est du travail! Il faut quand même l’avouer. Là, les forces de l’ordre malagasy ont assuré!

Dès 4 heures du matin, heure à laquelle je suis sortie de chez moi avec ma famille, j’ai aperçu des gendarmes et policiers tout le long des routes, au garde-à-vous, bâton à la main, prêts à toute éventualité. On pouvait lire le sens de la responsabilité et la détermination dans leurs yeux. On ressentait également qu’ils se disaient que ça allait être une longue journée.

On en voyait partout, des hommes et femmes avec leur tenue vert armé et leurs boots noires. Contrairement à d’habitude, ils ne dégageaient pas un sentiment de supériorité, ce jour-là, ils dégageaient un air de bons samaritains, de collaborateurs, étrangement, de protecteurs…

Je ne sais pas pour les autres fidèles, mais je me suis vraiment sentie en sécurité. Et croyez-moi, ça fait du bien, dans un pays où on craint toujours de se faire voler son téléphone à la moindre inattention, de se faire heurter par une voiture ou une moto au moindre dérapage…

Je l’avais déjà mentionné plus haut, la circulation a été parfaite, les automobilistes roulaient sur la route et les piétons marchaient sur les trottoirs. Et ce fut en grande partie grâce aux forces de l’ordre.

Je ne peux cependant m’empêcher d’interpeller les responsables étatiques et ceux auprès des forces armées de Madagascar, et de leur demander pourquoi tout cela n’a-t-il jamais été fait auparavant? Fallait-il que le Pape François vienne pour que ces petits miracles arrivent?
Fallait-il que le Pape François vienne pour que plus de 7 500 éléments soient mobilisés? Pour que des caméras soient installées? Et nous savons tous ô combien la population malagasy est avide d’un sentiment de sécurité. Si vous avez pu nous l’offrir pendant ces quatre jours, vous pouvez nous les offrir 365 jours sur 365!

4- Les Malagasy ont la foi

Visite du Pape François à Madagascar
Embouteillage à 4:45 du matin à Analamahitsy, à quelques kilomètres du domaine Soamandrakizay.
cc: Tiasy

Visite du Pape François à Madagascar
Vers 6 heures du matin, inondation de foule pour entrer au domaine Soamandrakizay, malgré tout, dans un ordre inimaginable.
cc: Tiasy

Quand on voit une dizaine de voitures avec le drapeau catholique accroché à la portière et la mention « Distrika Ihosy » ou « Distrika Toamasina » par exemple, transportant une vingtaine de personnes chacun, rouler en caravane à 16 heures pour se diriger vers le domaine Soamandrakizay…

Quand on voit des milliers de personnes marcher à 4 heures du matin dans les rues, sac au dos, avec bouteilles d’eau, bonnet, manteau, collant, bottines, en route vers le domaine Soamandrakizay, ayant marché à pieds sur au moins 5 kilomètres, et revenir, quelques heures plus tard, dans la même tenue mais en version plus amochée. Des chaussures de couleur à peine reconnaissables, des pantalons complètement colorés à la poussière, des paupières et des cils maquillés au naturel, des lèvres qui ont pris une couleur beige ou marron pâle, des cheveux qui ressemblaient aux herbes sèches de la savane, des masques à gaz ou des lunettes de plongeon comme matériels de protection… Voilà à peu près la description simple des fidèles qui sont revenus des lieux, après la messe… Donc quand je dis amoché… Pour moi personnellement, il suffisait que ma langue frôle mes lèvres pour sentir le goût de la poussière dans ma bouche.

Quand on voit des milliers de personnes camper toute la nuit pour éviter de marcher des heures le lendemain, avec seulement une simple couverture et du pain pour nourriture…

On réalise que la foi peut presque littéralement déplacer des montagnes.

Visite du Pape François à Madagascar
A 7 heures du matin, le domaine Soamandrakizay est déjà presque rempli.
cc: Tiasy

Car oui, quand je réalise que j’ai fait presque 20 kilomètres de marche à pied, après avoir déjà fait un trajet de 5 kilomètres à pied la veille, je dois quand même avouer que je me suis moi-même découverte une force herculéenne. Je suis tombée malade, ensuite, oui… Et malgré tout je n’avais jamais éprouvé une telle joie. La dernière fois, c’était quand les Barea avaient été qualifiés pour les quarts de finale de la CAN 2019. Mais encore, ce n’est pas comparable.

5- Quand un individu veut quelque chose de toutes ses forces, il peut réaliser des efforts surhumains

Ce dernier point est à peu près illustré par le même exemple que celui du point précédent, mais en y ajoutant que, par exemple, pour mon cas, je ne me serai jamais réveillée à 3 heures du matin pour ensuite sortir de chez moi une heure plus tard, dans le froid, pour marcher sur plus de 5 kilomètres, dont plus de la moitié de cette distance à pas de fourmis, même pour voir mon artiste préféré (qui est déjà mort, malheureusement). Non. Et je n’aurais jamais cru faire cet effort pour rien ni personne au monde.

Et j’imagine que plein d’autres personnes qui ont fait le même effort ont réalisé, quelques heures ou jours plus tard, qu’en fait ils avaient littéralement réalisé des efforts surhumains, ce jour-là. Ce fut mon cas, en tout cas, et j’en suis fière.

Je peux presque dire qu’après avoir découvert cette force, je peux tout surmonter. A moins que cette détermination, ce soit aussi un miracle… Je veux dire, je suis naturellement quelqu’un de déterminée et de têtue, mais cette journée de dimanche, ça m’a quand même fait tilt…

 

(1) « misisika »: expression signifiant « se bousculer » en malagasy

(2) « misisika hijery fety »: expression signifiant « se bousculer pour assister à une fête

(3) « misisika avy nijery fety »: expression signifiant « se bousculer pour sortir d’une fête »