A Madagascar, psychose face à une nouvelle épidémie de peste
Une nouvelle épidémie de peste sévit à Madagascar. Aujourd’hui, les Provinces de Toamasina et d’Antananarivo sont classées « zone rouge ». Face à cela, les réactions divergent. Tandis que des individus sont en proie à une psychose insoutenable, certains restent sceptiques et d’autres demeurent complètement passifs devant la situation.
Peste et psychose : port de masques et ingurgitation de « Cotrim »
Hier, de bon matin, de longues files d’attente se sont formés devant les pharmacies. Se procurer un masque et un « Cotrim », comprimé connu pour son efficacité contre la peste, étaient devenus vitaux pour bon nombre de tananariviens. Dans les rues, de nombreux individus marchaient, un masque sur le visage. La psychose s’installe et continue d’être alimentée. Les masques se sont vendus à une telle vitesse qu’aux environs de quinze heures, la plupart des pharmacies d’Antananarivo étaient en rupture de stock. Des décès ont été enregistrés dans des quartiers de la Capitale, et, vérité ou non, les gens les associaient tous à la peste.
Et dans toute cette panique générale, le Gouvernement restait incroyablement silencieux face à la situation qui risquait d’empirer d’une seconde à l’autre. Le Premier ministre, Olivier Mahafaly, s’est contenté de dire qu’ils « maîtrisaient la situation ». Hier à onze heures du matin, les chiffres s’étaient arrêtés à 25 morts sur 141 cas suspects, selon une source officielle. Cette psychose est le résultat d’une chaîne de message qui a été diffusée en privé sur les réseaux sociaux, dimanche soir dernier, annonçant que plusieurs malades sont décédés de la peste au centre hospitalier anti-pesteux à Ambohimiandra. Le message disait qu’il faudrait porter des masques à partir du lendemain pour éviter d’être contaminé, – j’avais moi-même reçu le message. La nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre. S’ensuit les nouvelles de lundi matin qui ont annoncé que la Capitale venait d’être classée « zone rouge », après la Province de Toamasina le 29 septembre dernier.
Scepticisme et passivité
Face à la réaction psychotique de certains habitants de la ville d’Antananarivo, certains ont affiché un réel scepticisme.
« Cette histoire n’est pas nette. D’abord, pourquoi le message a été diffusé en message privé et non en public ? Et ensuite, pourquoi, comme par hasard, cette peste débarque justement au moment où les magistrats veulent continuer la grève, et où le prix du carburant observe une augmentation ? Pour moi, il ne s’agit que d’une diversion pour cacher les réels problèmes du pays « , a témoigné un père de famille, hier.
Un scepticisme également affiché sur Facebook, dans les transports en commun, dans les bureaux, dans les écoles, où les débats sont devenus interminables au sujet de la peste depuis hier. D’autres sont complètement passifs devant la situation.
« Il fallait bien que ça arrive un jour ou l’autre, vu l’insalubrité de cette ville », a laissé échapper un bureaucrate.
Et tandis que ma mère faisait tout pour nettoyer et désinfecter la maison, la cour et le périmètre environnant, notre voisin affichait une réelle indifférence et continuait à frire des beignets « menakely » au milieu de sa cour qui n’avait pas été nettoyée depuis des mois, en la regardant faire. Certains malagasy sont devenus totalement fatalistes et indifférents à tout problème social. Malheureuse réalité.
Causes profondes
En tout cas, il faut avouer une chose. Le manque d’hygiène et l’insalubrité des habitants de la ville d’Antananarivo et des environs sont les principales causes de la prolifération des microbes et de la peste dans la Grande île. Depuis une décennie maintenant, l’hygiène et la propreté n’ont cessé de se dégrader, notamment dans la Capitale. Pour ne mentionner que la crise des bacs à ordure, il y a de cela un an et demi, en janvier 2016, où les déchets se sont amassés dans la ville à cause du manque de compétences des autorités étatiques. Les maladies étaient déjà graves à l’époque : asthme, pneumonie, et même tuberculose.
Et malgré cela, des individus continuent de jeter leurs déchets partout dans les rues. De belles dames qui jettent l’emballage de leurs biscuits par-dessus la vitre de leur joli véhicule Land Rover, et qui se permettent de hausser le ton quand on leur dit que ce n’est ni sain, ni poli. Même réaction pour les chauffeurs de bus et receveurs quand on leur dit de nettoyer, tellement leur véhicule s’est transformé en cage à poules au fil des années, en raison du manque d’hygiène et d’entretien. Cafards, araignées, puces, moustiques, on en trouve dans les bus de la Capitale et des Provinces, et cela semble tout-à-fait normal.
Rappelons que le premier décès de cette nouvelle épidémie de peste a été enregistré le 28 août dernier, quand le malade, qui avait contracté la maladie à Ankazobe, en Hautes-Terres, est décédé à Moramanga, une ville de l’Est, dans un taxi-brousse qui se dirigeait à Toamasina. Sur le chemin, il a contaminé deux passagers, décédés début septembre. Et malgré ce fait flagrant qui démontre que les transports en commun sont un des principaux facteurs de prolifération de toute sorte de microbe, les autorités et les propriétaires des véhicules semblent complètement amorphes face à l’urgence qui s’annonce. A qui profite donc tant de malheur ?
Les écoles sont fermées depuis ce jour. Les évènements publics ont été annulés, dont le Madajazzcar, un évènement emblématique culturel et d’envergure internationale. Des instituts publics comme l’Alliance française ont fermé leur porte « jusqu’à nouvel ordre ». Mais ces mesures ne sont pas suffisantes. La plupart de ces mesures sont prises par les particuliers eux-mêmes. Le Gouvernement n’a pas bougé le petit doigt pour ordonner une quelconque mesure préventive à prendre, même pas dans les bus, les gargotes, les restaurants… Ici, c’est chacun pour soi. Tu fais comme bon te semble. Peu importe si c’est pour survivre ou mourir.
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