Mon agression par un fou furieux, en pleine rue, à Madagascar
J’ai été agressée par un fou furieux hier, littéralement, en pleine rue, à Ankadindramamy. Je ne sais pas pourquoi, sur 22 millions de malagasy, il a fallu que ça tombe sur moi ! Grrrr…
Agressée par un fou furieux
Il était environ 18 heures. Je venais de descendre de cet horrible bus, essayant de rester zen face à tant de problématiques : peur de la peste, circulation sauvage, zéro rentrée d’argent à cause d’un problème technique et financier au sein de l’actuelle société où je travaille… J’essayais de me remettre tant bien que mal les idées en place, j’allais accélérer le pas, quand un fou furieux a surgi de nulle part et m’a donné un coup de poing en plein sur le visage. Je l’ai évité de justesse mais son poing est retombé sur mon bras.

En l’évitant et sous la pression de son coup, j’ai atterri sur le sol, le choc amorti par mon cartable. Non.. Par l’ordinateur dans mon cartable. Je suis restée immobile deux secondes en pensant à combien de probabilités il existait pour que j’ai cassé mon PC… Comme les gens à l’arrêt du bus me regardaient – sans même penser à me secourir – je me suis décidée à me relever. J’aperçus une personne qui semblait courir – il faisait déjà plus ou moins noir – à près de cinq mètres de là où j’étais. Il brandissait son poing et une autre personne le reçut de plein fouet, quelques secondes après. Tout le monde semblait tétanisé mais personne ne réagissait. Même pas un petit signe pour dire de faire attention. C’était bien les malagasy, ça ! Tous amorphes devant les faits réels mais tellement « activistes » et « révolutionnaires » sur Facebook… Pfff… Un idiot de chauffeur m’a encore lancé un « Fa ahoana e ? » (1) J’ai failli lui lancer mon poing dans la figure mais je me suis dite que je ne pouvais pas moi aussi devenir folle.
Je lui ai répondu: « Le fou m’a poussé ! »…
– Aaaaah… », fit-il en faisant ronfler son moteur pour démarrer.
« Oui », murmurais-je, en regardant à nouveau vers le fou qui disparaissait dans l’obscurité. J’ai repris de la vitesse et marché jusqu’à la maison, qui se trouvait à cinq minutes de l’arrêt de bus.
Et mon PC ?
Une fois arrivée, j’ai couru dans ma chambre et j’ai essayé de démarrer mon PC. Les larmes me sont montées aux yeux quand j’ai vu que l’écran affichait plein de traces de fissures, dont une tâche d’encre à l’intérieur, sur le côté droit. L’écran s’est fendu de l’intérieur… Ce qui me rendait triste, c’était que je tenais à mon ordinateur comme à la prunelle de mes yeux. Ça fait sept ans que je l’utilise. Depuis la classe de première. Il représente toute ma vie : mes devoirs de lycée, mes mangas, mes exposés et speechs à l’université, mes articles quand je travaillais encore dans les journaux locaux l’Express de Madagascar et la Vérité, mes billets pour Mondoblog... Je n’ai pu retenir mes larmes. Je ne pouvais plus penser à autre chose qu’à le réparer. Comment ? Où ? Combien ça coûterait… J’ai failli ne pas trouver le sommeil. C’est tout mon travail d’écriture qui est en jeu. Mais bien sûr, j’ai pu le réparer. Autrement, je n’aurais pas pu écrire cet article aujourd’hui.
Madagascar, l’île aux fous furieux
Je tiens à souligner que cette agression par un malade mental n’est pas une première. Il y a de cela quelques années, j’ai été insultée et failli me faire abattre par une folle qui passe son temps à insulter les gens qui se trouvent sur son chemin dans les rues de la Capitale, et notamment dans notre quartier, Ankadindramamy. Oui. Les fous courent les rues à Madagascar, littéralement. Les autorités compétentes ne s’en occupent plus depuis des années. Les quelques hôpitaux psychiatriques de la Grande île « ne reçoivent plus », comme ils disent, à cause de difficultés financières et techniques. Nombreux fous et folles sont rejetés par leur famille et errent dans les rues, de jour comme de nuit. Certains, très dangereux – comme celui qui m’a agressé – font des dégâts considérables : lancers de pierres sur des voitures, port d’objets métalliques en pleine rue, crise de folie en pleine milieu d’autoroute, cris assourdissants…

Mais voilà. Personne ne s’en occupe. Dans les autres provinces, que ce soit Toamasina, Mahajanga, Antsiranana ou encore Toliara, les fous errent dans les rues et, parfois, terrorisent la population. Des plaintes sont déposées auprès des autorités mais restent sans suite… Ben oui ! Ce n’est sûrement pas la priorité de l’Etat. Il n’arrive déjà pas à s’occuper des mendiants, que va-t-il bien pouvoir faire de fous furieux ? Le pire, c’est que chaque année, le nombre de malades mentaux croît dans la Grande île, et en grand nombre.
« Le nombre de malades hospitalisés pendant la période de l’étude est de 15 368 dont 2,45 % seulement (n = 376 ) sont des cas psychiatriques, comprenant 264 hommes et 112 femmes (sex-ratio = 2,35). L’âge moyen des malades est de 31,24 ans, avec les extrêmes de 2 et de 76 ans. »
Les troubles psychiatriques à Madagascar : étude clinique de 376 cas répertoriés à Mahajanga (2)
Selon les affirmations d’un spécialiste des maladies mentales au sein de l’Institut d’hygiène Analakely, de plus en plus d’individus présentent des formes de démence. En effet, les dépressions, schizophrénies et autres troubles mentaux peuvent conduire à la folie. Et d’après les informations obtenues auprès de l’établissement sanitaire, la prévalence de ces maladies mentales est en hausse constante à Madagascar. Toutefois, faute de moyens, peu d’individus sont traités. Outre les médicaments qui coûtent considérablement cher, une seule séance de psychothérapie coûte moins de 25 000 ariary, soit environ 8 euros. Un tarif qui reste inaccessible à 90% des malagasy vivant à moins d’un euro par jour. Sinon, si vous êtes vraiment curieux de voir comment ces fous vous terrorisent, regardez cette vidéo de Makoa Mena sur Youtube. C’est très intéressant et le moment où la folle surgit est à mourir de rire ! Et elle fait également une réflexion sur les fous qui courent les rues à Madagascar.
(1) « Fa ahoana e? »: expression malagasy qui signifie littéralement « Comment? », mais ici signifie plutôt « Eh ben alors? »
(2) M. Andriantseheno (1), T. F. Andrianasy (a) & D. S. Andriambao (b)
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(a) Service de neuropsychiatrie, CHU de Mahajanga, Madagascar.
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(b) Clinique neuropsychiatrique, CHU de Befelatanana, Antananarivo, Madagascar.
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