Obtenir la CIN à Madagascar: une aventure déplaisante!
Obtenir sa CIN à Madagascar relève du parcours du combattant. Que dis-je?… Faire ses paperasses à Madagascar relève du parcours du combattant! Pour un jeune qui vient d’avoir ses 18 ans, les premiers pas au sein de l’administration malagasy peuvent être décourageants…
CIN: toute une histoire !
Si l’administration est sensée nous « faciliter » la tâche, c’est bien le contraire à Madagascar. Ils adorent nous la compliquer – bienvenue corruption! Rien que pour les documents à fournir, c’est toute une histoire! Il faut des papiers tels que le certificat de résidence et le bulletin de naissance, entre autres. Le problème, ce n’est pas vraiment les documents en eux-mêmes. C’est le temps et l’argent qu’il faut pour les réunir. Les bureaux administratifs sont éparpillés dans les quatre coins de la ville – et de l’île – selon leurs attributions, et ils n’ouvrent pas toujours aux heures de travail. A part que vous n’obtenez presque jamais vos documents au jour le jour, et parfois avec des fautes d’orthographe. Le problème avec la Carte d’identité nationale, c’est que c’est la première expérience administrative du citoyen qui fait ses premiers pas. La personne – sauf l’adulte qui fait un duplicata – entre dans un bureau administratif pour la première fois et ignore tout des procédures. Maman n’est plus là pour te guider, tu dois faire ta CIN tout seul! C’est qui qui avait hâte d’avoir 18 ans? Bon, après avoir passé une ou quelques jours de galère, voilà presque tous les documents en main… Presque… Il ne reste plus que la fameuse photo!
La fameuse photo
La photo, c’est un volet à part entière hein. Selon les « conseils » de l’administration, il faut que ta face soit bien « visible » et surtout bien moche! Pas de boucles d’oreilles, oreilles bien dégagées, pas de frange, pas de lunettes, pas de rouge-à-lèvres… Ah si, si tu as les lèvres trop rouges naturellement, il te faut un « rose-à-lèvres »! N’oublie pas de mettre un vêtement à manches longues qui t’arrive au ras-de-la-gorge. Et pour les filles, tirez vos cheveux en arrière jusqu’à ce que votre front soit bien visible et remplisse 1/4 de la photo. Ah, vous pouvez mettre des franges et des boucles d’oreille en fait, si vous « payez » gentiment le fonctionnaire…
Si ça tourne mal.
Enfin nous voilà. Debout pendant deux heures devant le bureau régional pour entrer dans ce monde des « citoyens malagasy« . Au tableau d’affichage: « Nous ne recevons ceux qui veulent faire leur CIN qu’entre 9 heures et 11 heures 30. Distribution: chaque jour à partir de 13 heures 30 ». D’accord. Je passe une demi-journée ici aujourd’hui et éventuellement une autre dans la semaine, enfin, si tout se passe bien dès le premier entretien avec le fonctionnaire. Généralement ça se déroule comme suit:
Toi: Bonjour Madame / Monsieur!
La / Le fonctionnaire: … (préoccupé (e) dans ses documents et ne te regarde même pas)
Toi: … (tu ne sais pas trop quoi dire ou quoi faire)
La / Le fonctionnaire: Argent! (En tendant la main).
Tu lui donnes l’argent selon le coût fixé pour confectionner une CIN. (Pour info, tu paies entre 200 et 1 000 Ariary).
La / Le fonctionnaire: Documents! (En tendant la main)
Tu donnes les dossiers. Elle ou il y jette un coup d’oeil l’un après l’autre. Puis il regarde la fameuse photo où tu ressembles presque à un cheval. Il te scrute bizzarrement.
La / Le fonctionnaire: C’est toi?
Toi: …Oui.
La / Le fonctionnaire: Tu as mis du rouge-à-lèvres?
Toi: Non!
La / Le fonctionnaire: En plus tu oses me mentir… Tu es bien mal élevé. Tu reprends une photo. Ici, pas de rouge-à-lèvres. Tu reviens quand cette photo sera adéquate.
Si tout va bien.
SI avec un peu de chance tout se déroule sans accroche.
La / Le fonctionnaire: Tu as mis du rouge-à-lèvres?
Toi: Non!
La / Le fonctionnaire: Mmmh… Remplis ceci.
Il te donne une feuille que tu devras remplir scrupuleusement avec des trucs comme le nom de tes parents, ta nationalité, ta date de naissance,… Puis il te demande de te mettre debout devant un mètre-ruban déjà collé au mur pour relever ta taille. Il marmonne des mots inintelligibles et te demandes de te rasseoir. Il note des choses sur une feuille et il te demande de revenir demain, ou après-demain, ou la semaine prochaine, ou dans un mois, ou dans trois mois… Tu lui dis « Au revoir » et il ne te répondra pas.
Le jour où tu reprends ta CIN, tu te sens enfin délivré. Tu as réussi à franchir toutes les étapes et tu vas enfin gagner la « Coupe » tant attendu. Après une petite attente, tu entendras ton nom – ou des mots qui ressemblent à ton nom – épelés par un monsieur ou une dame. Tu prendras la clef qui te permettra de déverrouiller toutes les portes accédant au monde de l’ennui et du désespoir – je plaisante. Ou pas, xD. Et tu découvres qu’en fait tu mesures 1m51 et non 1m57, et que ta mère s’appelle Jules et non Julie…
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