Madagascar : le festival « Havatse » pour contrer les stéréotypes autour du tatouage

Article : Madagascar : le festival « Havatse » pour contrer les stéréotypes autour du tatouage
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7 juin 2023

Madagascar : le festival « Havatse » pour contrer les stéréotypes autour du tatouage

« Je voudrais bien me tatouer mais j’ai peur qu’on me juge ». On a déjà tous entendu – ou même dit – ces mots de personnes que l’on connaissait. En effet, certaines sociétés sont très accusatrices, et la société malagasy en fait partie. A Madagascar, comme dans de nombreux pays à travers le monde, les personnes tatouées sont encore sujettes à de nombreux stéréotypes. C’est justement pour faire tomber ces stéréotypes que Sleeping Pop, artiste et tatoueuse, a décidé de lancer le premier festival dédié aux amateurs et passionnés de tatouage, à Madagascar. Étant moi-même une personne tatouée et une grande passionnée de ces tampons que l’on met sur notre beau corps, je ne pouvais tout simplement pas faire l’impasse sur ce sujet : le festival Havatse ou Dago Tattoo Fest.

L’encre dans ma peau

Bon, je ne vais pas exagérer. Contrairement à ce que les personnes tatouées racontent au quotidien, personnellement, je ne suis pas trop sujette aux jugements, critiques et stéréotypes sur les personnes tatouées. Et pourtant, j’en ai deux : un à la nuque et un sur l’avant-bras.

Celui à la nuque représente un attrape rêves. Je suis une grande fan d’attrape rêves et de la culture amérindienne, depuis ma plus tendre enfance. Il paraît que les attrape rêves, d’origine amérindienne, de la tribu Ojibwe, étaient traditionnellement utilisés comme des talismans. Leur but était de protéger les dormeurs, et en particulier les enfants, des mauvais rêves, des cauchemars et des mauvais esprits. Par extension, j’ai décidé de me faire tatouer pour également éloigner les mauvais rêves et les mauvais esprits, et ainsi n’attirer que les ondes positives dans ma vie de tous les jours.

Mon tatouage à la nuque : un attrape rêves, réalisé en 2020. CC Tsiky Pictures

Le second tatouage se trouve sur mon avant-bras. C’est une écriture : « Wanderlust ». Un terme allemand qui désigne le désir de voyager, de flâner. Ma deuxième plus grande passion, à part l’écriture, c’est le voyage. Je rêve de pouvoir gagner ma vie en voyageant à travers le monde tout en écrivant, et de faire le tour du monde, en mode nomade. C’est une des raisons pour laquelle j’ai également commencé mon blog de voyage en 2022. Et c’est ainsi que j’ai décidé de marquer tout ça en me tatouant ce terme, avec un cœur et un avion en décoration.

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Mon tatouage à l’avant-bras, « Wanderlust », réalisé en 2023. CC Tiasy

L’image des personnes tatouées à Madagascar

Donc comme vous le voyez, chaque tatouage a son histoire, et chaque personne tatouée vous le confirmera. Et bien sûr, les « judgemental people » ne le comprennent pas et ne le voient pas de cet œil, et à Madagascar, les stéréotypes sur les personnes tatouées sont encore très forts, bien que je n’en sois pas trop l’objet, comme je vous l’ai dit plus haut. Toutefois, il faut quand même que je vous explique de quoi il en retourne, en général. À Madagascar, en général, il y a deux types de stéréotypes : ceux sur les personnes tatouées, et ceux sur les tatoueurs.

Pour la première catégorie, on vous qualifiera donc de personne « maditra » (1) et mal élevéeque vous soyez un homme ou une femme. Pour une femme, à cela s’ajoute « dévergondée ». Oui, toutes les femmes qui sortent du lot sont dévergondées dans ce pays… !

Vous serez également étiqueté comme celui ou celle qui n’ira jamais au paradis, vu que la majorité des gens sont chrétiens, donc en référence à une versée biblique. Et vous serez également jugé comme audacieux, ce qui est bien ! Plus c’est grand, plus c’est courageux ! Haha. La fameuse question qui revient souvent pour une personne tatouée : « Ça n’a pas fait mal ? » Pour ma part, si je pouvais recevoir de l’argent à chaque fois qu’on m’avait posé la question, je serai millionnaire. Et je réponds toujours « Non ! », car ça n’a vraiment pas fait mal, ni pour le premier, ni pour le deuxième. Je suis une personne qui a une très forte tolérance à la douleur, du coup, je ne ressens la douleur que si celle-ci est très intense.

Tatoueur(se), un vrai métier ?

Si vous êtes tatoueur(se), vous passerez non seulement pour un(e) maditra, une personne qui pousse les gens vers l’enfer, et un chômeur. Car oui, être un tatoueur n’est pas censé être un métier à Madagascar, et vos proches se feront un plaisir de vous le rappeler à chaque fois.

« Ah bon, tu tatoues des gens ? Mais tu fais bien quelque chose à part ça, non ? »

« Ah bon, ça rapporte de l’argent ? »

Vous serez souvent sujet à ce genre de remarques. Pourtant, le métier de tatoueur est un métier qui rapporte, et beaucoup de croyants se font d’ailleurs tatouer.

« 40% de mes clients sont chrétiens… Et ils se tatouent des messages bibliques ou des affirmations de leurs religions… Je n’ai pas peur de les affronter car il n’y a ni guerre ni bataille. Il y a juste des personnes qui veulent magnifier leurs corps… Et le reste suivra », 

Raconte Sleeping Pop, organisatrice de l’évènement, artiste et tatoueuse.

Et justement, le festival Havatse ou Dago Tattoo Fest vise les professionnels du milieu, mais également les curieux.

Festival Havatse : le premier rassemblement des professionnels du tatouage

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La rencontre d’informations a eu lieu à La Teinturerie Ampasanimalo, le 27 mai dernier. cc: Facebook/Havatse

Le festival Havatse ou Dago Tattoo Fest se déroulera le 2 juillet 2023 au Comptoir des artistes, géré par la Teinturerie Ampasanimalo. « Le choix de l’endroit a été évident, vu que nous revendiquons le professionnalisme, c’est l’endroit le plus reconnu dans le secteur culturel de la capitale », explique Sleeping Pop. Il s’agit de la première édition.

« C’est le premier rassemblement des professionnels du tatouage à Madagascar et d’ailleurs, car nous avons reçu des inscriptions des îles voisines depuis l’appel à participation d’hier. C’était le but d’ailleurs : un rassemblement international sur le métier d tatouage. À par une grande table ronde de la situation du tatouage malgache, c’est pour faire connaître ce métier tant enfermé dans divers stéréotypes que je trouve mal placé », 

Argumente l’organisatrice.

L’évènement cible donc les professionnels du tatouage, les adeptes du tatouage qui augmentent de jour en jour, mais surtout les curieux et le grand public. C’est un évènement qui a pour objectif de faire tomber les stéréotypes.

En effet, Madagascar, comme les pays de la Polynésie, le Japon ou les Philippines, a une culture traditionnelle très ancrée. Les organisateurs estiment ainsi que le festival sera un moyen de mettre la lumière sur ce phénomène mondial, très pratiqué dans le pays, et qui permettra une plus grande ouverture d’esprit des non-adeptes.

« Moi particulièrement, je promeus le tatouage thérapie, qui attire de plus en plus de personnes qui ne pensaient jamais se tatouer. C’est une rencontre de tous les genres et de toutes les catégories de personnes qui souhaitent découvrir et redécouvrir cette activité », 

raconte Sleeping Pop.

Un programme original, favorable aux découvertes et échanges

Le festival propose un programme très créatif et original : des stations de tatouages ouverts au public ; des concours, dont notamment celui du meilleur tatoueur, Miss et Mister Tattoo ; le prix du public et le prix de la meilleure créativité.

Une urne pour Women Break The Silence, mouvement de lutte contre la culture du viol à Madagascar, sera également disposée pour ceux qui veulent participer à une aide financière. Les fonds seront versés pour soutenir les victimes de viols. A part cela, un espace de jeu pour les attentes par une association qui crée des jeux de société malgaches sera sur place.

La journée sera clôturée par un concert, et tout cela en synchronisation avec la clôture des 10 ans de la Kolo TV et l’émission artistique Kolots’art.

Actuellement, un appel à participation est ouvert aux tatoueurs, pour les stations de tatouage, le concours du meilleur tatoueur et de la meilleure créativité. Un autre est également disponible pour ceux qui veulent participer au concours de Miss et Mister Tattoo. 

Une initiative née d’une passion

Je voudrais souligner que le festival Havatse est né de la passion de deux tatoueurs malagasy : Sleeping Pop et Zed Tattooink.

Actuellement, l’évènement compte comme partenaires : La teinturerie, Le comptoir des artistes, Air Communication, Gasy Metalhead, This body is mine, Stylish people, Sokany, Paositra malagasy, Armis Barbershop, Mousseux sy mandam’, Alt’istik, Kmec Blender, Pop Art Tattoo et Thamus Tattoo Artist.

Un festival qui promet d’être grandiose. Personnellement, j’ai hâte d’y être ! Je pourrai même participer au concours Miss et Mister Tattoo… XD

(1)« maditra »: terme malagasy pour désigner quelqu’un d’obstinément têtu, mal élevé, ou parfois ayant une attitude de délinquant

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