A Madagascar, des hôpitaux socialement sélectifs

Article : A Madagascar, des hôpitaux socialement sélectifs
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29 août 2017

A Madagascar, des hôpitaux socialement sélectifs

Serment d’Hippocrate… Serment d’hypocrites ? Ce ne sont pas tous les malades qui reçoivent des soins. Enfin, telle est la philosophie de certains hôpitaux de la Grande île. Si vous n’avez pas quelques millions en poche, si vous n’êtes pas une personne de pouvoir, vous ne recevrez jamais les soins médicaux adéquats. De la pure discrimination !

Des hôpitaux socialement sélectifs

Des hôpitaux qui affirment « rendre service à la population » et « traiter tout patient dans l’égalité ». Mais il s’agit bien là d’hypocrisie… Et pire même : de discrimination. Je ne dis pas n’importe quoi, ce fait à propos duquel les hôpitaux sont socialement sélectifs est véridique. La preuve. Une personne s’était rendue dans un hôpital public de la Capitale. Elle était malade depuis plusieurs jours, parce qu’elle n’avait pas mangé depuis quatre jours, alors qu’on était en plein hiver – oui, parce qu’il se peut que ton voisin, celui qui habite juste à côté de chez toi, ne mange pas, parce qu’il n’arrive déjà presque pas à trouver de l’argent pour son loyer. Elle avait ainsi une grosse fièvre et un mal de tête depuis trois jours.

A Madagascar, la communauté internationale est très active dans le domaine santé. Ci-dessus, le prince Albert de Monacoest venu inaugurer la maternité de la cité Akamasoa du Père Pédro, en février dernier. ©Tiasy

Elle a décidé de venir à l’hôpital pour se faire ausculter, en espérant faire du « trosa » (1) auprès du médecin. Après tout, beaucoup de malades font le « trosa » à l’hôpital. Malheureusement, plus personne n’accepte le « trosa » de nos jours, et cette personne s’est faite littéralement renvoyée de l’hôpital, sans le moindre scrupule, par le personnel hospitalier. Une autre personne s’est rendue dans la même clinique. Il n’a pas demandé à faire du « trosa », il a dit qu’il était le secrétaire d’une certaine entité politique. Les médecins l’ont laissé entrer sans même payer. Puis il y a eu évidemment le cas de Claudine Razaimamonjy, la conseillère de la Présidence, qui était, d’après les sources, atteinte d’une maladie grave, et a été évacuée à l’île Maurice malgré qu’elle était interdite de sortie du territoire.

Frais médicaux priment sur soins médicaux

D’ailleurs, à Madagascar, les frais médicaux priment sur les soins médicaux. C’est un fait depuis plusieurs années maintenant. Pour les médecins comme pour les patients, il importe de payer avant de pouvoir recevoir les soins nécessaires. Si bien que dans certaines cliniques, il faut d’abord payer avant de pouvoir se faire consulter, faire une radiographie, un scanner, ou tout autre examen médical. C’est devenu une règle d’or. Seulement, tout le monde n’a pas les moyens de payer ces frais. Considérant que la somme minimale pour une consultation est actuellement de 10 000 Ariary, on se demande où vont donc se faire soigner les 90% des malagasy qui gagnent moins d’un euro, soit même pas 3 000 Ariary, par jour. Il lui faudra déjà travailler quatre à cinq jours pour pouvoir aller chez le médecin.

Et si la maladie est grave, d’ici-là, le patient pourrait déjà être mort. N’importe quel patient peut mourir s’il ne peut pas payer. L’argent avant tout : c’est la loi du plus fort dans les hôpitaux, publiques comme privées… Et n’oublions pas le corps médical ! Ces personnes qui sont censées, elles aussi rendre service à la population. Et qui ont prêté serment pardessus le marché. Seulement, ces serments n’ont plus la moindre valeur pour certains. En effet, dans certaines cliniques, publiques comme privées, certains médecins exigent que les patients paient des frais médicaux par rapport à la normale, ou ils refusent tout simplement de procéder à des examens médicaux ou des opérations chirurgicales. D’autres, plus malins, proposent que l’on achète des médicaments au patient pour qu’ils « récupèrent plus vite », et bizarrement, le médicament n’existe que chez le médecin et il est toujours très cher… Puis il y a aussi ces médecins qui, en plus de tout cela, sont désagréables et traitent leur patient comme du bétail. Ils adoptent la même attitude que ces fonctionnaires qui vous reçoivent dans les bureaux, sauf si vous êtes une personne de pouvoir, et qui vaut la peine d’être respectée…

Exigence de réformes palpables

Il faut l’avouer, le fait que le système sanitaire soit aussi précaire à Madagascar est la faute du Gouvernement. Je ne refuse pas que le ministère de la Santé publique fait beaucoup d’efforts pour faire marcher ce système, mais  ce sont des réformes qui apportent des changements minimes sur le système. Ces dotations et donations de matériels aux hôpitaux publics, ces grands mouvements de sensibilisation, ça n’apportera rien tant que les vrais problèmes ne seront pas réglés. Parmi ces problèmes: l’argent pour payer les frais médicaux que le trois-quart de la population n’arrive presque pas à trouver, l’argent pour les « suppléments » (corruption), la dotation d’assurance-maladie et une bonne couverture sociale pour les salariés.

En effet,  la plupart des salariés malagasy ne sont pas couverts socialement. Quelle famille peut se soigner dans ces conditions? Sachant qu’une famille malagasy est composée en moyenne des deux parents et de trois enfants, frais d’écolage, nourriture et vêtement priment, avec quel argent se soigne en cas de maladie grave? Au pire, bouffer du paracétamol toutes les six heures et prier… Et bien sûr, on s’étonne que le taux de mortalité du à la maladie grimpe à Madagascar, et que la plupart des gens se soignent eux-mêmes à la maison, ou attendent tout simplement de mourir. Ce dernier, qui est devenu le choix ultime pour de nombreux malades.

(1)« trosa » : « dette » en français
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