Démystifier les « mpivoaka alina » à Madagascar

Article : Démystifier les « mpivoaka alina » à Madagascar
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28 février 2023

Démystifier les « mpivoaka alina » à Madagascar

« Mpivoaka alina » ou « quelqu’un qui sort la nuit ». Voilà une expression qui vous classera parmi les « mauvaises personnes » de la société, à Madagascar. Vous serez vite étiqueté, notamment si vous êtes une femme, de quelqu’un de mal élevé, mal poli, une pécheresse, une vraie dévergondée, et j’en passe.

Bref, pour sortir la nuit à Madagascar, il faut déjà une grande force mentale et essayer de ne pas trop penser à ce que la société va penser de vous. Et bien sûr, une fois que vous aurez essayé, vous comprendrez que ce n’est pas si horrible, et qu’en fait, il n’y a rien de mal à sortir la nuit. Comme je sors souvent de nuit, j’ai décidé de raconter un peu, de mon point de vue de jeune, mais aussi de femme, ce qui se passe en boîte, en karaoké, entre amis, en familles, souvent entre jeunes, ou, qui sait, en solo, et de démystifier ce regard que la société porte sur les virées nocturnes à Madagascar.

Crédit photo : Maurício Mascaro pour Pexels

Le « mythe » qui perdure

De mes souvenirs, dans mon pays, les « mpivoaka alina » ont toujours été vus comme de mauvaises personnes. Les raisons à cela sont multiples. Déjà, de base, à l’époque des discos et autres lieux de festivité en tout genre, dans les années 1970-80, les jeunes qui sortaient – donc nos parents – étaient mal vus par la société, à cause de la nouvelle atmosphère véhiculée par la mondialisation. Les paroles de chansons, les films, les mouvements de danses, les boissons alcooliques qui étaient bus à l’époque, contrastaient beaucoup avec les mœurs malagasy. La majorité des parents de l’époque avait donc interdit à leurs enfants à sortir la nuit, et à sortir tout court.

Plus tard, l’insécurité s’est également installée, notamment dans les grandes villes du pays. Petit-à-petit est né un traumatisme, une certaine psychose, qui a été véhiculée de génération en génération, créant ainsi un mythe au sein de la société. Dans les années 2000, les discos ont laissé la place aux boîtes de nuit géantes. Ces deux termes étant utilisés différemment selon la connotation et l’époque.

Je me souviens que vers 2006, les boîtes de nuit ont été réputées pour être le lieu de viol collectif, de consommation de drogue et de boissons alcoolisées sans modération, de culte de secte satanique. J’étais encore au collège à l’époque, et je me souviens que plusieurs boîtes ont même été fermées par les autorités pour avoir été le théâtre de ce genre d’actions pas très… catholiques, à part le fait que les jeunes étaient réputés pour rentrer ivres morts après une sortie dehors la nuit. Quand j’avais obtenu mon Baccalauréat, en 2012, toutes les boîtes de nuit populaires avaient fermé leurs portes. Ce qui m’a rendu bien triste car je voulais enfin expérimenter ! xD

« Les boîtes de nuit été le lieu de viol collectif, de consommation de drogue et de boissons alcoolisées sans modération, de culte de secte satanique. »

C’est donc ce petit historique qui justifie le mythe de la mauvaise fille ou du mauvais garçon qui sort en boîte, aujourd’hui. Un mythe qui perdure, d’autant plus que les boîtes de nuit et autres lieux de divertissement de nuit, notamment les karaokés et les lounge-bars, ont une image toujours aussi négative, à cause des mêmes raisons citées plus haut (sauf le culte satanique xD).

Le vrai VS le faux

Je vais vous ramener à la réalité et vous raconter ce qui se passe réellement pendant les virées nocturnes. Après quelques années d’expérience de virées nocturnes, je pense pouvoir être capable de vous parler en détails de ce qui est vrai, et surtout de ce qui et FAUX, dans les boîtes, les karaokés, les lounges, etc.

mpivoaka alina
Ma meilleure amie Adrienne et moi, à la soirée Acoustic de Sparkular Event. cc: Adrienne

Donc déjà, je dois absolument corriger cette vision selon laquelle « sortir la nuit » signifie forcément « boire et se saouler ». En effet, l’image du jeune ivre mort à la sortie des boîtes de nuit est tellement ancrée dans la tête de la majorité des gens que dès que l’on prononce le mot « hivoaka alina », tout le monde a les poils qui se hérissent. Mais une virée nocturne ne rime pas forcément avec beuverie et alcool.

« Sortir, la nuit ou le jour, est avant tout un loisir comme tout un autre. C’est le timing qui diffère. »

La vérité : personne ne va obliger personne à boire si cela n’est pas sa volonté. Sortir, la nuit ou le jour, est avant tout un loisir comme tout un autre. C’est le timing qui diffère. Ainsi, n’importe qui peut sortir la nuit sans se saouler, s’il ne veut pas, et n’importe qui peut sortir le jour et se saouler, s’il le veut. Tout comme les autres divertissements qui sont proposés : chicha, cigarette, karaoké, billard, etc, les boissons, alcooliques ou non, sont également au choix.

La peur de l’influence contribue à renforcer le mythe réside. Les parents, ou toute autre personne qui croit au mythe des « mpivoaka alina », ont peur de l’influence que les « mauvaises personnes » ou l’ambiance, vont apporter à leurs enfants, ou à leurs proches. Cela est tout-à-fait valide, mais cela ne justifie pas un mythe, et encore moins le fait de dire du mal des loisirs d’autrui.

Et d’ailleurs, plusieurs idées reçues sont fausses. Des personnes un peu psychopathes pensent de la sorte, mais ce n’est pas forcément vrai. Comme le fait que :

  • Sortir la nuit signifie draguer ou se faire draguer
  • Il faut absolument se saouler ou au moins « boire »
  • Il faut être plein aux as. Ah, ça par contre ! Je me souviens, avec une de mes meilleures amies qui a rejoint les étoiles, on faisant un calcul pour dépenser au maximum 20 000 Ariary chacune, ce qui nous faisait un budget commun de 40 000 Ariary, et on rentrait encore avec des sous en poche
  • Il faut se faire belle/beau. Oui, c’est vrai que certains lieux exigent des dress code, à l’exemple des boîtes de nuit, mais ce n’est pas forcément le cas. Vous pouvez venir dans un lounge-bar avec un jogging, personne ne va vous calculer.
  • Il faut « mitondra mody » : pour certains hommes, le but de sortir, notamment en boîte de nuit, est de trouver une femme à mettre dans son lit. Chers hommes, sachez que certaines femmes (comme moi), vont en boîte pour danses, parce qu’on n’aime ça. On ne veut pas d’une personne à moitié-saoule qui va nous faire les yeux doux et danser derrière nous pendant trois heures !
  • Il faut danser : pour certains, la raison pour laquelle ils refusent d’aller en boîte de nuit même s’ils en ont envie est parce qu’on leur a dit qu’il faut danser. C’est faux ! Vous pouvez littéralement vous asseoir et regarder les autres danser tout en buvant votre boisson préférée. Même s’il s’agit d’une boîte de nuit, danser n’est pas obligatoire. Par contre, consommer, si !
  • Il faut chanter : comme pour les boîtes, pour certains, aller en karaoké signifie également qu’il faut absolument chanter. Cela est également faux ! Un peu contradictoire, mais faux. Vous pouvez aussi vous asseoir et regarder ou écouter les autres chanter, tant que vous consommez.

Il y a plein d’idées reçues sur les virées nocturnes. J’ai voulu aider en les mettant en avant afin de démystifier le « monde de la nuit ». Et je vais vous raconter ce qui se passe dans ces lieux réputés pour les soirées.

Ce qui se passe vraiment

Donc déjà, quand vous sortez la nuit, un des grands challenges dans la Grande île est l’insécurité. Pour sortir, il faudra s’assurer d’un mode de transport safe, surtout si vous sortez au-delà de 20 heures, car il n’y aura plus de bus. Vous pourrez bien sûr trouver des taxis mais ils vont taxer chers. Déjà, il est sûr qu’il faudra prendre un taxi pour le retour, sauf si vous avez une voiture personnelle ou si vous planifiez de dormir dans un hôtel à côté du lieu de divertissement.

Crédit photo : Rudy and Peter Skitterians de Pixabay

Souvent, si vous arrivez avant 19 heures, ce qui est tôt, vous pourrez encore avoir une bonne place, sauf s’il s’agit d’un évènement spécial. Si vous allez en boîte, vous devrez faire face au vigile qui se tient à l’entrée. Selon son humeur, il peut vous laisser entrer… ou pas. Cela n’est pas un mythe, malheureusement. xD Mais souvent, il vous recale parce que vous ne respectez pas le dress code ou à cause d’un évènement spécial où vous n’êtes pas sensé venir sans invitation. Et souvent, les femmes ne se font jamais recaler. xD Pas à Madagascar en tout cas !

A l’intérieur, vous pourrez commander en paix, la musique n’est pas encore très bruyante, et les gens sont loin d’avoir l’air de sortir tout droit de l’abîme des enfers, avec un air de démon, de soûlard ou de gros pervers, au cas où vous vous demandez. xD Il se peut même y verrez de tout : des gens extravertis, des gens introvertis, des bavards, des blagueurs, des pervers narcissiques, des entrepreneurs, des grosses cadres d’entreprises, des artistes, etc. Bref, comme dans tous les lieux du monde.

« Vous y rencontrerez des extravertis, des introvertis, des bavards, des blagueurs, des pervers narcissiques, des artistes… »

Vous pouvez rentrer quand vous voulez, tôt, tard. Seul petit bémol, encore une fois : le transport. Si vous êtes une femme, assurez-vous de vous faire raccompagner.

Pour tous les goûts

Les lieux de divertissement à Madagascar sont nombreux et très diversifiés, notamment à Antananarivo. Vous avez le choix entre le lieu, l’ambiance, le budget, ou encore le menu. Personnellement, je suis une grande adepte des boîtes de nuit chics, avec dress code, cocktail mojito ou monaco, et musique latine ou africaine. Toutefois, je suis ouverte à toutes les propositions.

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Martinah et Jonathan Sands, les artistes qui ont animé la soirée Acoustic organisée par Sparkular Event, et moi.
Crédit photo : Sparkular Event

D’ailleurs, récemment, j’ai eu la chance d’être invitée à la soirée Acoustic organisée par une nouvelle agence évènementielle Sparkular Event. C’était ma première soirée Acoustic et j’étais ravie d’y avoir été présente, d’autant plus que c’était leur premier évènement. Une soirée qui a retracé en musique des bandes annonces de films et de dessins animés, chantés par Jonathan Sands et Tahiana Martinah. De jeunes artistes avec une carrière en plein décollage.

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Odinah, la fondatrice de Sparkular Event, et moi. cc: Sparkular Event

La soirée a eu lieu à l’IKM Antsahavola. Le nom « Sparkular » illustre l’étincelle, car en effet, l’agence brille parmi tant d’autres, malgré la concurrence. Sa vision : offrir des prestations de qualité, moderne et à prix abordable à tous.

En tout cas, si vous souhaitez sortir la nuit ou organiser un évènement en soirée, vous savez maintenant que cela est tout-à-fait possible et moins sombre que ce que l’on raconte. Alors, allez vous faire plaisir ! 🙂

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Commentaires

Dj Léa
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Par mon travail en tant qu'animatrice événementielle et DJ, je fais "le mivoka alina". Mes parents étaient choqués en apprenant que je suis dehors à minuit entrain d'animer un mariage, un anniversaire, les fêtes de réveillon, etc. De plus j'ai les cheveux teintés en rouge, donc, automatiquement, ils ont pensé que je fais honte à la famille. Mais, quand j'ai été invité à parler de mon métier sur un plateaux télé et à la radio, ils ont compirs que je fais le "mivoka alina" pour gagner de l'argent, et non pour me prostituer ou je ne sais quoi d'autres.

tiasyraconte
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il faut vraiment que les gens comprennent qu'il y a plusieurs dimensions: économiques, sociales, politiques... Ce n'est pas forcément du "revy" ou de la prostitution.