Je me suis lancée le défi de vivre une vie d’adulte

Article : Je me suis lancée le défi de vivre une vie d’adulte
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20 septembre 2020

Je me suis lancée le défi de vivre une vie d’adulte

Il y a deux ans, je me suis lancée le défi de vivre seule pour avoir un aperçu de la « vie d’adulte ». Oui, je suis folle au point de faire ce genre de chose. Donc, un bon matin, j’ai décidé d’aller me chercher une maison. C’était un jour du mois de décembre 2018. Et comme toutes les personnes vivant à l’ère des réseaux sociaux, j’ai commencé par faire des recherches sur Facebook. Depuis, ma vie n’a plus jamais été la même…

J’aime bien me mettre des objectifs dans la vie. Je suis quelqu’un qui carbure aux challenges (non pas les challenges comme sur les réseaux sociaux, les vrais ! Ceux qui font trembler la plupart des gens rien qu’à y penser !), aux sensations fortes, à l’aventure !

En décembre 2018, j’avais 23 ans et 6 mois. J’avais déjà fini mes études (du moins, la première partie), ma petite entreprise était en pleine commercialisation, et je venais de rompre avec mon petit copain de l’époque. Wep, pour vous dire, c’était tout sauf une vie de routine ! Et comme si cela ne suffisait pas, il a fallu que j’aille chercher la petite bête en décidant de vivre seule.

Et non, ça n’avait rien à voir avec la famille ! J’adorais – et j’adore – ma famille. J’étais heureuse, j’étais épanouie à la fois personnellement et financièrement, et je n’avais pas trop à me plaindre à part le fait que je n’avais pas mon propre lit et que j’avais pour bureau notre salle-à-manger, que j’occupais presque H24 à cause d’une montagne de travail. Car oui, je travaillais beaucoup, je faisais environ 12 heures de boulot par jour, pour mon entreprise. Et c’est d’ailleurs de là que le défi est né : essayer d’être indépendante professionnellement et de ne plus dépendre de la salle-à-manger de mes parents.

Challenge accepté

Vous me direz : « N’est-ce pas de la folie ? Pourquoi aller se payer un bureau si tu peux en avoir un gratuitement, nourriture et connexion incluses ? »

Eh bien en fait, la vérité c’est que : notre forfait ne suffisait pas, et je devais quand même aller au cybercafé dès la moitié du mois pour continuer à travailler. Ensuite : il y avait du bruit, ce qui m’empêchait de me concentrer.

Et enfin, il faut que je l’avoue : j’étais nulle en tâches ménagères, notamment en cuisine, et j’étais nulle à faire le marché ! Je ne savais même pas comment acheter des légumes. Etait-ce au kilo, au « toko »(1), au « kapoaka »(2)?

Ne vous méprenez pas ! Mes parents m’ont tout-à-fait appris à faire la cuisine et le marché. Je n’ai juste pas – et j’ignore pourquoi – la patience, la mémoire et la passion pour ce genre de chose ! Je peux très bien me souvenir  des différents tarifs de sponsorisation de pages Facebook chez mon entreprise, mais je ne peux même pas me souvenir de comment cuisiner du « tsaramaso sy henakisoa ». Enfin, maintenant si, mais pas il y a deux ans…

Se fixer des objectifs

Comme je vous l’avais dit, j’aime bien me fixer des objectifs : je me suis donc ainsi donner deux ans pour réussir à faire tout le travail que les adultes (et notamment ma mère que je considère comme mon modèle : une femme forte, une leader, une directrice d’école, entrepreneure et à la fois femme au foyer qui a élevé trois filles et qui s’occupe aussi de son mari) font chaque jour de leur vie.

Je voulais qu’à 25 ans, je sois prête, pour une vie meilleure… Enfin, bon, une vie meilleure. Là j’ai 25 ans et je vous avoue que c’est le grand bordel, cependant j’ai réussi le défi que je me suis lancée : être entièrement autonome en tant que femme entrepreneure et femme au foyer. Et pour moi, c’est déjà un grand accomplissement !

vie d'adulte
Moi, coupant mon gâteau d’anniversaire pour mes 25 ans, en juin dernier. cc: Eidole

Quand j’ai décidé de vivre toute seule, la première chose à laquelle j’ai fait face fut la pression de la société. Voyez-vous, dans la société malagasy, une fille ne quitte le foyer qu’une fois mariée. Même chose pour un homme, sauf s’il veut quitter le foyer. Mais je dois aussi dire que les jeunes malagasy aiment bien rester vivre chez leurs parents, premièrement, et ceci n’étant pas leur faute, à cause de la pauvreté, et deuxièmement à cause de la paresse, malheureusement. Chez nous à Madagascar, on est quand même un peu paresseux…

Bref, ces deux choses m’ont fait défaut, je n’y ai jamais adhéré. J’ai travaillé dès que j’ai eu 18 ans pour pouvoir, un de ces jours, avoir mon indépendance. Je n’ai jamais été d’accord avec cette façon d’éduquer à Madagascar où l’on infantilise une personne jusqu’à  ce qu’elle soit mariée, et je trouve encore plus abérant le fait que nous l’acceptions encore aujourd’hui.

Ceci ne signifie pas qu’il faut absolument contredire les parents ou manquer de respect aux ainés, ceci signifie seulement qu’on peut très bien réclamer notre indépendance, car je ne vois nullement l’intérêt d’avoir 25 ans si c’est pour encore demander à mes parents si je peux sortir la nuit.

Ceci étant dit, mes parents m’ont toujours pleinement fait confiance et cette confiance était réciproque. Résultat : je n’ai presque jamais été frustrée quant à leur mode d’éducation. Et d’ailleurs, mes parents n’ont omis aucune objection quand j’ai voulu quitté la maison. Par contre, j’avais compris de leurs propos : « Vas-y, mais assume ta décision ! »

Brrrrr… Pour assumer, il a bien fallu ! Heureusement, le challenge a été réussi !

La vie d’adulte : tout sauf une partie de plaisir !

Quand j’étais petite, je me disais toujours qu’être un adulte, ça devait être tellement bien ! On sort quand on veut, on mange ce qu’on veut, personne ne nous dit ce que l’on doit faire, on est libres !

Et pourtant, j’avais l’air de tout sauf d’une « adulte », ou d’une « future adulte » qui avait une carrière entrepreneuriale, une entreprise et encore moins une maison à moi toute seule. J’avais plutôt l’air d’une enfant qui allait décrocher son Bacc dans l’année, à cause de ma petite taille et de ma tête assez enfantine (en tout cas, à l’époque, avant que je ne stresse comme une vraie adulte !)

Bref, une fois dedans, j’ai vite déchanté : payer son loyer et ses factures, payer les impôts de l’entreprise, gérer ses collaborateurs, ses clients, son voisinage, ses amis, son petit copain… Tout ça m’a vite donné des rides et au bout de six mois, je me sentais au bout de ma vie ! Sauf que c’était un choix, et que je ne pouvais me plaindre qu’à moi-même. Et c’est ce qui m’a plu. C’est que personne ne m’avait obligé à quoi que ce soit et que je n’avais de compte à rendre à personne, car entre nous, j’ai horreur de rendre des comptes. Raison pour laquelle j’ai aussi décidé de devenir entrepreneure, pour être maître de mon temps, de mon marché, de mes services… Après, cela est vite dit, car dans l’entrepreneuriat, il existe un énorme engrenage qui vous fait comprendre que le « contrôle » est un bien grand mot (j’en parlerai dans un autre bille, peut-être, un de ces jours).

Objectif atteint

Cependant, dans toute cette triste vie (oui, elle est vraiment triste, la vie d’adulte est triste…), je peux quand même fièrement dire que j’ai atteint mon objectif principal : être entièrement autonome en tant que femme entrepreneure et femme au foyer.

Je l’ai réalisé Dimanche dernier, quand, soudain prise d’une envie folle de salade et de crudités, j’ai décidé d’aller faire le marché pour m’acheter des légumes, car c’est ce qui manquait à la maison. Je savais exactement de quelle quantité de légumes, de quels ingrédients je recherchais, et d’où trouver les meilleurs légumes du quartier. Chose qui me semblait tellement compliquée il y a deux ans !

D’autre part, à l’heure actuelle, si j’avais un foyer, je pourrai quand même réussir à dresser un petit menu bien diversifié toutes les semaines ! Chose qui me semblait également trop compliquée et ennuyeuse !

Donc voilà, je suis fière de moi !

À dans deux ans ?

Après, avec la crise sanitaire liée au Covid-19, je dois avouer que j’ai aussi beaucoup du m’adapter au changement. En termes de gestion de la nourriture et de la cuisine, c’était bon… Dans d’autres domaines, je préfère ne pas me prononcer… Objectif non atteint ! 🙁

Avec tout ça, 2020, mois de Septembre, 25 ans, je suis presque tentée de retourner chez mes parents car oui, j’ai réussi mon défi. Je ne vais pas trop me décevoir, ni décevoir mon futur mari. Enfin, pas autant qu’avant !

Cependant, après y avoir longuement réfléchi, j’ai plus décidé de me donner deux ans de plus pour de nouvelles aventures ! Et cette fois-ci, ça va être le contraire : je vais vivre ma jeunesse ! La vie d’une jeune fille malagasy du 21ème siècle ! 😉

A dans deux ans ! (Et bien sûr, j’écrirais entre-temps !) 😉

(1) »toko »: terme malagasy pour définir une certaine quantité
(2) »kapoaka »: unité de mesure malagasy utilisée au marché. « kapoaka » signifie littéralement « boîte de conserve ». Celle-ci est utilisée pour mesurer certains produits au marché: riz, lentilles, haricots… et pour faire la cuisine
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Commentaires

Antsa
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Tu es très mature pour ton jeune âge...
En tout cas c'est certain, tu iras très loin dans la vie et je ne te souhaite que le meilleur :)
Bonne continuation Tiasy!!

tiasyraconte
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Merci beaucoup. :) Bonne continuation à toi aussi. :)

Rindra
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Admirable comme parcours. Bon courage à toi car je comprend tout à fait les difficultés auxquelles tu as fait face. Je suis - à quelques points prêt - dans le même cas que toi. Cheer up :)

tiasyraconte
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Merci beaucoup. :) Bon courage à nous.

Fa (@Faaiio)
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Héhé! Courageuse! Espérant que la jeunesse malgache devienne de plus en plus assoiffée de cette indépendance et de ces prises de reponsabilité!!

tiasyraconte
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Merci :) Oui, espérons! :)