Le monde, Madagascar et « malagasy » – Ce sentiment de LBP ! – Partie 1

Article : Le monde, Madagascar et « malagasy » – Ce sentiment de LBP ! – Partie 1
Crédit: Maeva
6 janvier 2022

Le monde, Madagascar et « malagasy » – Ce sentiment de LBP ! – Partie 1

« Ça ne va pas aller, je le sens ! », « Ça ne va pas accrocher, je te dis ! ». C’est ce qu’Asuka, l’une des personnes dans ma tête, la plus têtue et la plus pessimiste d’entre toutes, ne cessait de me répéter, pendant que je cherchais un titre à cet article. Pire qu’elle, je ne vois pas. Toutefois, j’ai quand même décidé de l’écrire, et d’arborer le sigle LBP dans le titre pour manifester tout ce ras-le-bol. Parce que, figurez-vous que ce sigle signifie en malgache « Leo Be P*** ». Je ne peux pas écrire le dernier mot, vu que c’est un mot très irrespectueux et que je respecte mes lecteurs, ainsi que toute la communauté Internet – sauf ceux de Twitter qui ont eu l’audace de me faire un cyberbullying en public, mais pas assez pour utiliser de vrais comptes.

Bref, ce sigle est le mieux adapté à la situation actuelle, je pense. Entre la Covid-19, le vaccin, les humains qui perdent de plus en plus de leur humanité, les humains « malagasy » qui croient tout connaître, les humains malgaches qui, eux aussi, croient tout connaître, le monde de l’entrepreneuriat à Madagascar qui donne envie de se suicider, le fait de vivre seule ou de ne pas vivre seule, les routes, la pluie, la Jirama… Oui, je me sens LBP. Et quoi de mieux que de faire un billet sur l’elbépéité !

Covid-19 : deux issues !

J’aurais voulu commencer cette année avec un article réjouissant, comme celui de l’année dernière. Malheureusement, j’aurais beau essayé, je ne vois pas trop de choses positives qui se passent actuellement, dans le monde comme dans le pays. Résultat : vous allez devoir supporter mon cynisme et mes confessions de bipolaire dans cet article !

C’est dans ma chambre, fraîchement peinte en rose saumon, l’ordinateur sur mes pieds croisés, mon corps adossé contre la tête du lit, que je vais d’abord vous parler de la Covid-19. J’imagine en effet que je ne suis pas la seule à en avoir marre de cette maladie. LBP. Mais même si on se sent LBP, il n’y a rien à faire ! Cette maladie semble vouloir rester et, spécialement à Madagascar, j’ai l’impression horrible qu’elle va s’éterniser. Une petite analyse que j’ai faite dans cette chambre m’a permis de tirer la conclusion suivante : à Madagascar, il n’y aura que deux issues. Soit le virus va provoquer une véritable hécatombe comme dans plein d’autres pays dans les mois et années à venir – ce que l’on ne souhaite pas – soit il finira par faire partie du quotidien des Malagasy comme un petit rhume, une grippe, un petit paludisme… Bon, comme on est LBP, on souhaiterait qu’il disparaisse, mais les chances sont minces. Et malheureusement, et en toute objectivité, je ne pense pas qu’un vaccin pourra vaincre cette maladie, ici ou ailleurs. Il ne s’agit pas de vaccin, il s’agit plutôt du système immunitaire de chacun, et je m’arrête là car on va me traiter d’antivax et j’ai de meilleurs problèmes à raconter. D’autant plus que cette histoire de vaccin, on l’entend tous les jours, et plus on en parle plus la situation se détériore. Bref, les mots « vaccin » et « covid-19 » me hérissent les poils. Et quand vous vivez dans un pays comme Madagascar où même la prononciation en français de la nationalité, « malgache » ou « malagasy », pose problème à la population, dont notamment la partie qui a découvert depuis deux ou trois ans les « trésors » de Facebook, vous pouvez vous attendre à un tas de « sensibilisations à travers des connaissances » ou encore à des campagnes massives antivax par des malgaches et des malagasy qui croient tous qu’ils détiennent la connaissance.

What the fuck? cc: https://tenor.com/

Et je ne parle pas que de la Covid-19 mais aussi de plein de maux de la société qui, en réalité, viennent plus de notre culture ou de notre inculture, de nos traditions mais aussi de celles des autres que l’on copie bêtement, d’une paresse intellectuelle sans pareille, du sens du « tia tia kely » (1), de l’habitude du « miandry fa gasy », du « mindset », que des dirigeants eux-mêmes.

Société malgache : presque sans issue

Il faut l’avouer. Quand une famille pense plus à comment échapper au ridicule et à la honte d’avoir une parente enceinte avant le mariage plutôt qu’à comment et avec quel argent cette jeune femme et son mari vont organiser leur mariage, ou vivre et faire vivre leurs enfants, on voit déjà très bien que le parcours de cette famille ne sera nullement glorieuse. D’ailleurs, toute personne s’opposant à cette façon de voir les choses sera traitée de « rebelle », « ratsy taiza » (2), de personne reniant les traditions et coutumes malagasy, de manao « fiainam-bazaha » (3), et j’en passe. Oui, je parle de mon vécu, mais aussi de ceux des autres, car oui, je fais partie de ces personnes et je ne souhaite nullement changer. Je ne peux pas rester dans les rangs juste pour satisfaire la société ainsi que quelques malheureux corrompus. La société malgache est malade, et je suis LBP.

Cet exemple n’en est qu’un parmi tant d’autres. Je pourrais citer toutes les actions que l’on fait au nom du « fihavanana », qui est surtout un bon moyen d’être hypocrite, car nos « havana » (4) sont surtout des « ory hava-manana », (5), des sangsues et des flemmards qui nous considèrent comme leur « havana » uniquement à cause de ces besoins que l’on peut combler. Ceci ne minimise aucunement le fait qu’une bonne action en est toujours une, ceci est juste économiquement dévastateur dans le sens où toutes nos ressources financières et matérielles qui sont censées contribuer au développement d’une communauté faisant des efforts pour le développement vont faire une communauté qui pompe ces ressources, mais également, pompe nos ressources intellectuelles et contribue à petit feu à une destruction psychologique. Ceci ne signifie par qu’il ne faut pas aider son « havana » car, si l’on prend l’exemple des Indiens et des Chinois, au contraire, entre membres de la famille, ils s’entraident beaucoup, en utilisant leur cerveau comme premier instrument d’analyse, et non leur cœur comme instrument d’hypocrisie.

Tout cela dit, j’ai évolué. Je ne suis plus à un stade où je crois encore que l’on peut apporter un changement à grande échelle. Je suis à un stade où j’en ai marre et où je pense finalement qu’il n’y a rien à faire, à part juste tenir ses convictions et principes et avancer seule. Car, en vérité, je ne peux pas tirer les gens pour aller plus haut si je ne vais pas plus haut d’abord. Toutefois, on peut aussi regarder les gens de haut tout en allant plus haut d’abord. Mais j’opte pour la première alternative. L’entrepreneuriat m’aura au moins appris ça.

Entreprendre : un parcours meurtrier

J’ai spécialement choisi le terme « meurtrier », et non « du combattant ». Pourquoi ? Parce que le monde du business est sans pitié, et que l’on peut littéralement en sortir mourant. Cela fera quatre ans cette année que j’ai créé mon agence digitale Book News Madagascar. Au début, je croyais encore à l’humanité. […]

à suivre…

(1) « tia tia kely »: expression malgache pour illustrer cette façon de vouloir avoir un peu d’argent, un peu de bénéfice minimum, de tout service rendue, toute opportunité obtenue, toute faveur; une forme de mini-corruption

(2) « ratsy taiza »: expression malgache pour dire « mal élevée »

(3) « fiainam-bazaha »: combinaison de deux termes malgaches: « fiainana », pour dire « vie », et « vazaha », argot malagasy pour dire « étranger », notamment les étrangers à la peau blanche. « Fiainam-bazaha » signifie donc « vie d’étranger », pour illustrer la vie des Malagasy ne suivant pas les normes de la société malagasy: études, travail, mariage et enfant

(4) « havana »: mot malgache pour désigner les membres de la famille

(5) « ory hava-manana »: expression malgache pour désigner cette attitude de jalousie à l’égard de quelqu’un qui a du succès, notamment si c’est un membre de la famille

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Commentaires

Randriamiarintsoa Tsimba
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Cette article décrit exactement le vrai comportement de certains de nos compatriotes. N'y a-t-il aucun espoir? je ne crois pas au miracle mais je reconsidère la valeur de chacun "hasin'ny tsirairay" peut être il y aurait une lueur de lumière. "I have a dream" disait un grand homme mais un but sans action est inutile. Ne soyez pas deçu tant que votre respiration vous tiennes encore, votre coeur se penche également vers le bon sens.

tiasyraconte
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Je ne saurai dire... En tout cas, un an après avoir écrit cet article, je me sens encore plus LBP... :/