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Comment on vit le Mondial à Madagascar : top 5 des situations insolites!

Comme la « planète Football » toute entière, tous les quatre ans, les malagasy sont en pleine effervescence à l’idée de vivre un mois centré sur le ballon rond grâce au Mondial. Oui, tout tourne autour du ballon rond depuis une semaine ! Même la pauvreté ! Lol.
Voici le Top 5 des situations les plus insolites en cette période de Coupe du monde, à Madagascar.

A Madagascar : un Mondial dans la pauvreté

Cela fait une semaine que la Coupe du monde de football a commencé. Mais cette année, l’atmosphère est un peu tendue que d’habitude à Madagascar : d’abord à cause de la crise politique, mais aussi parce-que, que pour la première fois depuis plusieurs décennies, le Mondial n’est pas diffusé en intégralité sur la télévision et la radio nationale malagasy ! Ce sont pourtant les seuls médias qui couvrent tout le pays et qui ont les moyens de diffuser les matchs (enfin, ça c’est ce que l’on croyait). Auparavant, à défaut de regarder les matchs, on pouvait les « écouter »  et crier « victoire ! » devant la radio. C’était le dernier espoir de plusieurs millions de malagasy qui ne peuvent pas s’offrir un poste de télévision. Et zut ! On ne peut même plus s’offrir ce plaisir radiophonique : les seuls matchs diffusés par la radio nationale sont ceux qui impliquent les pays africains, presque tous battus lors des éliminatoires (j’ai dit presque !). Aujourd’hui, à la veille des 8e de finale, les malagasy n’ont que le choix de suivre le Sénégal, et, peut-être le Nigéria…

En tout cas, cela ne nous empêche pas de dégoter des moyens (financiers et matériels) pour regarder les 64 matchs de la Fifa, et cela ne nous empêche pas aussi de nous faire de l’argent !

1-      Queue-monstre chez les opérateurs de TV satellite

Mondial à Madagascar
Queue-monstre devant un kiosque d’opérateur de TV par satellite, à Antananarivo.
cc: Tiasy

A Madagascar, pour les ménages à revenus moyens, pas question de rater la Coupe du monde de football 2018. Surtout si papa est un grand fanatique ! Il va obligatoirement trouver un moyen pour regarder les matchs, même si la chaîne de TV nationale ne veut pas les diffuser… C’est dans cet esprit que les opérateurs de TV par satellite et ADSL ont décidé de faire des promotions ! Une promotion qui marche bien – et qui court même – car on voit des queues-monstres qui se forment devant les kiosques d’opérateurs TV satellite. Et cela, tous les jours ! Et pas question de partir avant d’être abonné !

2-      Achat d’un poste de télévision

Chez les ménages à revenus un peu moins moyens, la TV n’a jamais été une priorité. On pouvait s’en passer… ce n’est pas grave si la chaîne nationale ne diffuse pas tous les matchs, au moins on en verrait quelques bouts même dans le journal du soir. Mais ça, c’était avant que la Coupe du monde arrive. Donc papa et maman vont cotiser pour acheter un poste de télévision, au grand plaisir des enfants.

 « On le revendra dans un mois, si les moyens nous manquent ! », a dit un homme sortant d’un magasin d’appareils électroniques, à Tsaralalàna.

3-      Vente de calendriers

Mondial à Madagascar
Un calendrier à 1 000 Ariary.
cc: Tiasy

Pour les librairies, les cyber-cafés, les épiceries mais aussi les marchands ambulants, la Coupe du monde est toujours une source de revenus sûrs. Ici, à Madagascar, ce n’est pas tout le monde qui a accès à Internet. Le calendrier du Mondial est inaccessible à la majorité de la population, et seuls les réseaux sociaux et les médias fournissent les programmes, un jour avant les matchs. Ainsi, des commerçants ont eu l’idée de télécharger des calendriers des matchs, de les imprimer et de les vendre. Les prix sont différents selon la qualité d’impression, les couleurs, le papier et la taille du calendrier. Les prix des calendriers varient de 200 Ariary (environ 0,05 Euros) à 1 000 Ariary (environ 0,28 Euros).

4-      Lecture du match

Pour les moins chanceux, la lecture du match est la meilleure option. Comment cela se passe ? On se connecte sur Facebook et on regarde les pages d’actualités football, ou on regarde simplement son fil d’actualités – un ami féru de football finira toujours par publier le score !

5-      Paris

(Non, ce n’est pas Paris la ville! Lol) Ce dernier paragraphe concerne les trois catégories de personnes citées ci-dessus, les plus riches comme les plus pauvres. Comme partout dans le monde, les pronostics se font, et les plus passionnés font des paris. Dans l’espoir de gagner de l’argent et de devenir millionnaire en un clin d’œil, de nombreuses personnes se mettent à parier : dans les kiosques prévus à cet effet, dans les bars, mais aussi en famille ou entre amis. Il y a des gens qui attendent tous les quatre ans pour dévoiler leur talent de parieur (comme moi !) Lol…


A la rencontre de Fary, le faiseur de jus de canne-à-sucre

Du jus de canne-à-sucre, on peut en trouver à tous les coins de rue à Madagascar, notamment à Antananarivo, la capitale. J’ai goûté à ce délice pour la première fois de ma vie chez Fary, un faiseur de jus de canne-à-sucre qui vend sur la zone Est de la ville. Petite séance de dégustation à laquelle j’ajoute une séance d’interview !

Le jus de canne-à-sucre de Fary

« Fary ». En malagasy cela signifie « canne-à-sucre ». C’est également la dénomination dont a hérité ce jeune homme faiseur de canne-à-sucre. Son petit stand se trouve au terminus d’un bus, dans un quartier appelé « Mausolée », à l’Est d’Antananarivo. A Madagascar, on a l’habitude d’appeler les gens, notamment les vendeurs, par le nom du produit qu’ils vendent. Par exemple, « Mofo »(1) pour le vendeur de pain, « Ronono »(2) pour le vendeur de lait…

Fary fait du jus de canne-à-sucre et vend à Mausolée depuis cinq ans maintenant. Simple et modeste, ce jeune homme est consciencieux et serviable. En nous voyant arriver, mes amis et moi, il nous a accueillis avec un grand sourire. Cela me change de ces hôteliers et restaurateurs malagasy qui affichent un air aigri alors que vous leur demandez le menu…

« Bonjour ! Vous désirez ? », lança-t-il avec entrain.

Je ne suis pas très « jus-de-canne-à-sucre-bord-de-la-route », question d’hygiène et de propreté… mais j’avais trop soif ! En plus, mon ami m’avait recommandé le jus de « fary » de Fary, car il est vraiment très bon. J’ai donc décidé d’y goûter, et ce que je bus ne me déçut pas !

De plus, Fary était très accueillant, très ouvert, et la machine ainsi que la façon dont il l’utilisait pour l’obtention de ce juteux breuvage, me fascinaient.

Après trente secondes de pression, voici le jus de canne-à-sucre, prêt à être consommé !

fary
Fary, le faiseur de jus de canne-à-sucre.
cc: Tiasy

 

Faiseur de canne-à-sucre, un travail difficile

Fary travaille sept jours sur sept et plus de huit heures par jour. Il ne s’arrête que quand sa machine l’y oblige, question d’entretien.

La machine pour faire du jus de canne-à-sucre est importée d’Allemagne ou d’Inde, elle est vendue dans la Grande île 1 million d’Ariary, soit environ le triple du salaire moyen mensuel à Madagascar. Les faiseurs de jus de canne-à-sucre reçoivent heureusement une remise de 10%, comme l’explique Fary.

Cet investissement est amorti en quatre à cinq mois, « raha tena miafy be! »(3), comme le souligne Fary.

Le jeune homme gagne 50 000 Ariary à 60 000 Ariary par jour –  entre 10 et 17 Euros. Il vend son jus à 500 Ariary – 0,14 Euro- contre 300 ou 400 Ariary en centre-ville. Il justifie son prix par la très bonne qualité de son produit.

« Mon canne-à-sucre provient d’Ambohimanambola(4). J’en prends presque chaque jour de bon matin. Le « fary » est conservable, mais rien de mieux que du « fary » frais pour un bon produit », rapporte-t-il.

La canne-à-sucre possède de nombreuses vertus : elle contribue à la purification du sang, elle donne de l’énergie, elle stabilise la tension et, même si elle est sucrée, son sucre naturel permet de soigner le diabète ! Eh oui, c’est Fary qui m’a appris tout ça !

 

(1)    « Mofo » : mot malagasy pour désigner le pain
(2)    « Ronono » : mot malagasy pour désigner le lait
(3)    « raha tena miafy be ! » : expression malagasy qui signifie littéralement « si tu fais vraiment beaucoup de sacrifices ! »
(4)    Ambohimanambola : quartier au Sud-Est d’Antananarivo


Portfolio de la ville de Manakara!

Quelques photos de la ville de Manakara! Notamment de la plage. C’est peu mais vous pouvez avoir un avant-goût de cette contrée sauvage du Sud-Est de Madagascar.
Vous pouvez également voir une vidéo sur ma page Facebook: https://web.facebook.com/Tiasy-Channel-823774704493299/


Internet, l’intouchable caverne d’Ali Baba pour les jeunes malagasy de Manakara

Manakara – Madagascar. Ici, on rêve de liberté, de richesse, d’aventures… Mais aussi de maîtriser l’internet, cette révolution qui a apporté un changement radical dans le monde.

Les jeunes de Manakara

[Découvrez le portfolio de la ville sur https://tiasyraconte.mondoblog.org/2018/04/30/portfolio-manakara/]

Manakara est une ville côtière située dans le Sud-Est de Madagascar, à 570 kilomètres de la capitale (Antananarivo). L’évolution de la technologie a du mal à franchir les frontières de cette contrée encore indomptée par l’homme, et le mot « internet », bien que connu et entendu de tous, et employé quotidiennement, n’est pas encore complètement compris. Pour les adultes comme pour les jeunes, la notion de l’Internet demeure vague… ici l’internet ne fait pas partie du quotidien, loin de là ! Entre « ordinateur » et « internet », seule une poignée de personnes pourrait expliquer la différence.

Depuis le mois d’avril, je participe bénévolement au projet « Voices Of Youth » initié par l’Unicef Madagascar. Ce projet donne aux jeunes l’opportunité de découvrir l’internet et d’utiliser les outils numériques pour s’exprimer sur les domaines qui leur tiennent à cœur. Dix jeunes ont été sélectionnés dans chaque lycée de quatre localités  de la Grande île : Antananarivo, Manakara, Ambatolampy et Ihosy. Les techniques de création de blog et d’écriture d’articles leurs ont été données grâce à cette formation. Ils ont pu s’exprimer à travers leur propre blog ! J’ai participé à la formation à Manakara, ma visite dans cette ville côtière a été une révélation.

jeunes malagasy de Manakara
La cour du lycée Sileny Manakara.
cc: Tiasy

Les jeunes Manakarois sont des personnes assez introverties mais très sympathiques. Au début ils ne sont pas bavards, mais une fois qu’on a fait connaissance et après les premiers échanges, leur timidité tombe et ils se mettent à parler beaucoup ! J’ai vraiment apprécié les dix lycéens qui ont suivi la formation la semaine dernière. Ils étaient réceptifs et écrivaient avec beaucoup de sensibilité. Mais la formation a été rude car très peu d’entre eux avaient des notions informatiques, et c’est compliqué de partir de zéro ! Mais la curiosité et la volonté d’apprendre se lisait dans leurs yeux.

A la découverte d’Internet

En voyant le mot « Google » projeté sur l’écran, les élèves découvraient une nouvelle réalité et demeuraient figés, comme incertains, face à cette nouveauté. Je ne saurai expliquer ce mélange d’étonnement et d’engouement qui se lisait dans leurs yeux. Découvrir l’Internet, pour ces jeunes, c’était comme découvrir la caverne d’Ali Baba.

Tout était merveilleux pour eux : menu Démarrer, recherche de programmes, Microsoft Office Word… Tout cela a pris un certain temps car il n’y avait pas d’ordinateurs pour pratiquer, le cours était donc surtout une leçon théorique. Aussi, la création d’un compte Gmail a été pour eux un grand pas en avant. Difficile à croire, mais parmi ces jeunes élèves, certains n’avaient jamais entendu parler de la notion d’e-mails, le courrier électronique était une chose inconnue. J’étais à la fois triste et pleine de compassion face à cette réalité choquante dans mon pays. Comment la fracture numérique pouvait-elle être aussi flagrante? Je leur ai donc expliqué le concept de l’e-mail, son utilité et sa différence avec Facebook – question que les élèves ont d’ailleurs posée. Parmi les modules à enseigner il y avait la création d’un compte Voices Of Youth sur le site du même nom, mais aussi la création d’un blog sur Internet, via des plateformes telles que WordPress et Medium. Nous avons vu tout cela ensemble.

jeunes malagasy de Manakara
Un membre de l’équipe de l’Unicef en pleine présentation du blog Voices of Youth.
cc: Tiasy

Les jeunes de Manakara ont été submergés et impressionnés face à l’opportunité qui s’offrait à eux. Tellement de possibilités pour s’exprimer et se faire entendre, c’est forcément impressionnant! Ces jeunes n’avaient pas une représentation réelle de ce qu’est l’internet : l’univers de l’internet leur semblait limité, notamment limité à Facebook (réseau social le plus utilisé à Madagascar). Mais grâce à la formation, l’internet était devenu une vraie caverne d’Ali Baba où tous les trésors de l’univers pouvaient être dénichés. Une véritable découverte ! Malheureusement, une certaine tristesse se lisait dans leurs yeux car ils savaient que,malgré cette possibilité illimitée sur la toile, ils étaient, eux, limités par l’argent…

Internet à Madagascar

Si à Antananarivo, le tarif minimum pour surfer dans les cyber-cafés – oui, les cyber-cafés existent encore à Madagascar et font partie des principaux moyens d’accès à l’internet – est actuellement de 15 ariary par minute, à Manakara, une minute coûte 50 Ariary ! Et, en plus d’être chère, la connexion n’est pas encore assez rapide. Dans une ville où l’argent de poche quotidien moyen d’un lycéen est de 1 000 Ariary (0,3 euro environ) et où un plat coûte au moins 1 200 Ariary, les jeunes économisent pour manger plutôt que pour se connecter dans les cybers. La connexion est donc moins facile d’accès dans cette partie de l’île, d’où leur retard dans le numérique. D’autre part, bien que les lycées publics malagasy soient tous dotés d’une salle numérique, la plupart n’ont pas assez d’argent pour s’offrir une connexion illimitée.

Moins de 5% de la population a accès à internet à Madagascar (d’après les statistiques 2016 de « Internet Live Stats »). Lors d’un sondage que j’ai mené sur une frange de lycéens, à Antananarivo comme dans les provinces, j’ai découvert qu’ils sont 7 sur 10 malagasy à consommer en moyenne 10 mégaoctets par jour, (cela correspond à la consommation minimale proposée par les opérateurs téléphoniques grâce à des tarifs de 100 ariary par jour (0,03 euro) et qui offre une connexion à Facebook uniquement). Dans un pays où la population vit avec moins de 1 euro par jour, ce coût est encore très élevé.

Voilà, entre autre, les raisons pour lesquelles Madagascar ne fait pas bon ménage avec Youtube, on comprend pourquoi les internautes malagasy utilisent plus Facebook que Twitter ou tout autre réseau social, pourquoi les sites web du pays n’enregistrent que 30 visites par jour, et pourquoi l’internet semble si merveilleux mais intouchable pour nos jeunes malagasy…

 


Mon agression par une folle furieuse, en pleine rue, à Madagascar

Je n’aurai jamais cru rédiger un autre article sur ce sujet… Six mois après la sortie de mon premier article sur mon agression par un fou furieux, je me fais à nouveau agressée, cette fois-ci à Ambondrona, un quartier en plein centre-ville.

La folle furieuse

Je me suis faite à nouveau agresser par une folle furieuse, à Ambondrona, un quartier de la capitale. Il est environ 17 heures, les rues sont encore bondées et comme des queues-monstres se forment aux arrêts de bus, je décide de faire un certain bout de chemin à pieds. Sûrement pas la meilleure décision du jour…

Alors que je marche, une femme noire, les cheveux cours, vêtue d’un manteau noir – je doute que ce soit la couleur d’origine du vêtement – à peine reconnaissable, pieds nus, un sein à l’air, me barre le passage. Elle fait un geste pour m’arrêter et tend la main avec un regard menaçant. « Omeo vola ah !” (« Donne moi de l’argent ») Ah, il ne manquait plus que ça ! Une folle qui mendie, donc qui pense… Une demi-folle… Mais pourquoi c’est tombé sur moi?

folle furieuse
J’avais cette tête, quand elle me rackettait! Cc: Pixabay

Je réponds : “Tsisy vola!” (« Je n’ai pas d’argent ») Elle me menace avec son poing. Je me sens plus perplexe qu’apeurée… Je force le passage mais elle continue à me suivre en menaçant de me frapper. What the hell ? Et pendant tout ce temps, les gens regardent tranquillement le « spectacle ». Je suis d’ailleurs plus outrée par l’attitude des « spectateurs » que par celle de la folle furieuse.

Comme elle continue à me suivre, je lui dis de partir. Elle refuse fermement. Elle tire sur mon sac que je porte à l’épaule, et je tire aussi. La situation devient critique, et personne ne bouge le petit doigt pour venir à mon secours… Et alors, alors… La folle brandit son poing pour me frapper!

L’intervention

Je ne sais plus trop si je dois fuir pour éviter que la folle ne me frappe et lui laisser mon sac – qui contient toute ma vie – ou si je dois me battre peu importe ce qui risque de se passer. Euh… Mon cerveau fait une analyse à 360 degrés tandis que je continue à forcer sur mon sac. Et c’est alors qu’une femme, d’une quarantaine d’années environ, me tire le bras en disant : « Viens ! »

Un homme, d’une vingtaine d’années, apparaît derrière la folle qui, consciente qu’une menace arrive, part en courant. Et je me retrouve entre deux inconnus, longeant la rue dans le sens inverse alors que je devrais plutôt marcher dans la direction où la folle vient de fuir. Dilemme : si je prends la même direction, je risque de la recroiser et de revivre le même  drame. Mais si je prends le sens contraire, je dois faire la queue à l’arrêt-bus, ce qui prendrait toute la soirée. Il se peut même qu’il n’y ait plus de bus et que je doive rentrer en taxi en pleine nuit…

Je suis de plus en plus perplexe. Déjà parce que je me demande où je dois aller, mais aussi parce que pour la toute première fois de ma vie, après plusieurs attaques par des fous, des gens m’ont sauvée.

Un ange

Comme je semble complètement perdue, j’imagine, l’homme qui est intervenu me demande si ça va. Je me sens enfin soulagée que quelqu’un me pose la question. Non pas une question du genre « Fa ahoana e ? » (« Eh ben alors? ») comme la dernière fois, mais une question humaine. Oui, car pour la première fois depuis plusieurs mois, j’ai rencontré un humain. Un vrai humain, avec un regard simple et attendrissant, et non pas un regard qui juge et qui est rempli d’hostilité.

« – Ça va ?

–          Oui ça va. Merci. 

–          Je t’en prie. »

Comme j’ai l’air encore perplexe, il me demande :

« – Tu es vraiment sûre que ça va ?

–          Oui, enfin… Je dois aller dans la direction opposée en fait, mais, j’ai un peu peur au cas où la folle est encore dans les parages.

–          Ah bon ! Allez viens, je te ramène ! »

Je crois que je n’ai jamais été aussi franche en exprimant ce que je ressentais, depuis très longtemps, et je n’ai jamais autant fait confiance à un inconnu. Mais la nuit va tomber et je ne me sens pas du tout en sécurité.

folle furieuse
La nuit allait tomber et je ne me sentais pas du tout en sécurité…
cc: Maeva Roiz

Nous reprenons le chemin inverse. Quelques mètres plus tard, la folle, le regard toujours aussi menaçant, nous regarde. Elle vient dans notre direction, puis fait demi-tour. Mon cœur bat la chamade.

L’homme, que je considère comme mon ange-gardien, pendant ces quinze minutes, me ramène jusqu’au prochain rond-point. Je le remercie profondément et continue mon chemin, moins inquiète, après avoir une dernière fois sillonné le paysage derrière moi pour voir si la folle ne nous a pas suivis.

Humanité

Je ne reprendrai plus le paragraphe sur la sécurité publique et combien les fous sont mal considérés à Madagascar. Combien une insécurité croissante demeure dans la Grande île, en partie à cause d’eux. J’ai suffisamment palabré sur le sujet lors de la Partie I, et sachez que rien n’a changé depuis…

folle furieuse
Antananarivo vu du village d’Akamasoa, le village construit par le Père Pedro.
Cc: Tiasy

Je voudrais plutôt aborder la question de l’humanité. Pendant ces près de cinq minutes de combat avec une malade mentale, j’ai compris à quel point les sentiments constituaient l’être humain. Pendant que la folle me menaçait, je dévisageais son visage, son air enragé, pleine de haine, mais en même temps, son comportement était rempli de désespoir. Je n’ose imaginer ce que cette femme a dû subir pour en arriver à ce point.

Je me demandais où était sa famille, si elle avait eu un mari, des enfants… Je me disais que si elle mendiait, c’est qu’elle était consciente de sa pauvreté. Et si elle menaçait, c’est aussi qu’elle ne le supportait plus.

Je ne peux imaginer à quel point ces gens souffrent, mais aussi, à quel point ils sont libérés. En effet, un fou, ça marche dans les rues toute la journée, ça s’assoit sur le sol, ça chantonne, ça fait des grimaces, et ça vit comme ça. Ça s’amuse quoi, comme un être humain aux premières années de sa vie. Je donnerais tout pour m’amuser comme ça, en tant qu’être humain normal bien sûr ! Haha.

Toujours d’un point de vue humain, je ne comprends pas comment on peut laisser ces gens livrés à leur propre sort. D’accord, je comprends que la prise en charge de ces personnes nécessite une contribution financière, mais ce n’est pas comme si tout était à construire aussi. De mon point de vue, une aide à l’hôpital psychiatrique d’Anjanamasina de la part du gouvernement, que ce soit technique, matérielle ou financière, serait d’une grande utilité. Bien sûr, cela ne fait pas partie des « priorités », comme on le dit si souvent.

D’autre part, je suis reconnaissante de savoir que des gens sont encore assez humains à Madagascar pour vous venir en aide en cas d’attaque de pickpockets, de bandits armés et de fous furieux. Des gens prêts à protéger autrui, en pleine rue. Des personnes prêtes à mettre leur vie en danger. Des anges tombés du ciel…

 


Top 5 des réponses les plus fréquentes quand on fait une interview à Madagascar

Savoir mener une interview fait partie du travail de journaliste. Bien que cette tâche paraisse simple de prime abord, c’est en réalité une tâche assez difficile. Une interview peut aussi parfois s’avérer tout simplement barbante et même franchement pas motivante… Surtout quand on fait une interview à Madagascar (oops!) Pourquoi ? Eh bien parce que les personnes qui répondent à nos questions peuvent afficher une froideur qui nous glace, ou une certaine réserve, et parfois même une totale indifférence… Pas facile de mener une interview dans ces conditions ! Depuis quelques mois que j’observe attentivement les réactions des malgaches, je suis arrivée à établir la liste des 5 réponses les plus fréquentes que les journalistes reçoivent suite à leurs questions. Attention, voici donc la liste exhaustive des réponses données aux journalistes à Madagascar ! (Et non, je ne vise personne !)

interview à Madagascar
Les interviews sont parfois difficiles à gérer.
cc: Pixabay

Top 5 des réponses les plus fréquentes données lors d’une interview à Madagascar

(Remarquez que cet article est rédigé dans un ordre décroissant).

5) La réponse « moment opportun » : Cette réponse vient en cinquième position. C’est la cinquième réponse la plus probable qu’un journaliste malagasy obtiendra s’il interviewe une personne moyennement bavarde. Si on fait cinq à sept interviews par jour en moyenne, on est sûr d’entendre ce type de réponse au moins une fois dans la semaine ! Celle-ci est souvent donnée par un officiel à une conférence de presse, en général au moment où l’on commence à lui poser des questions précises sur un sujet en particulier plutôt que sur le thème de la conférence.

« Euh… Ce n’est pas le sujet du jour. Veuillez me poser cette question un autre jour, quand le moment sera plus opportun ! »

C’est la réponse que vous aurez dans 80% des cas (estimations personnelles), et vous aurez moins de 10% de chance d’identifier ce fameux « moment opportun » dont il ou elle parle tant !

4) L’ignorance : Cette réponse vient en quatrième position. Sur 5 questions posées, une au moins des questions aura pour réponse un « je n’en sais rien, je ne sais vraiment rien sur ce sujet  ». Celle-ci est en général donnée quand une personne n’a pas le droit de divulguer l’information recherchée ou tout simplement lorsqu’elle n’est pas en mesure de le faire. Mais parfois, cette réponse est une bonne excuse pour les  officiels, cela leur permet d’échapper aux questions des journalistes qui ne leur plaisent pas.

interview à Madagascar
La presse à Madagascar, une presse qui se bat pour la liberté.
cc: Tiasy

3) Le refus : « Je ne peux pas répondre à cette question, je suis désolé(e) ». Cette réponse vient en troisième position. Sa fréquence, la probabilité qu’un ou une journaliste la reçoive, et les raisons pour lesquelles l’interviewé(e) la donne, sont exactement similaires à celles du cas n°4.

2) La réponse du donneur de leçons : Ah celle-là je l’adore ! Sur des milliers de personnes interviewées, il faut bien qu’à un moment donné, le ou la  journaliste tombe sur un donneur de leçons. Portrait type de l’interviewé(e) donneur de leçon : souvent en costume-cravate ou tirée sur quatre-épingles, souvent assez corpulent(e), souvent des lunettes, souvent dans la cinquantaine… Dès que vous commencez à parler il ou elle vous scrute scrupuleusement, regard perçant derrière leur lunette, et il/elle attend que vous finissiez votre question pour vous répondre directement par  :

 « Ce n’est pas la question que vous devriez poser. En tant que journaliste, vous devriez plutôt… / Vous devriez savoir que … »

Une réponse suivie d’une longue leçon de morale et d’un cours interminable sur le respect de l’éthique et de la déontologie du journalisme. Ce genre de personne, le journaliste la rencontre au moins une fois par an.

1) L’incompréhension : souvent, la première réponse donnée par les interviewés est « je suis désolé(e), je ne comprends pas votre question ». Réelle ou feinte, cette incompréhension nuit évidemment à l’interview. Heureusement, il suffit de reprendre la question et de la poser autrement pour continuer l’entretien. Mais, si cette incompréhension est feinte, la réponse donnée par l’interlocuteur à la question suivante sera probablement l’une des quatre réponses énumérées ci-dessus.

Eh oui… pour éviter certaines questions, les personnes interviewées peuvent trouver toutes sortes d’excuses ! Mais heureusement les bons journalistes sont rodés à ce genre de situations et ils ont appris à déjouer ces pièges afin de pouvoir faire correctement leur métier ! Cela fait du travail de journaliste un métier intéressant, plein d’obstacles (petits ou grands) et plein de surprises !