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Mon agression par un fou furieux, en pleine rue, à Madagascar

J’ai été agressée par un fou furieux hier, littéralement, en pleine rue, à Ankadindramamy. Je ne sais pas pourquoi, sur 22 millions de malagasy, il a fallu que ça tombe sur moi ! Grrrr…

Agressée par un fou furieux

Il était environ 18 heures. Je venais de descendre de cet horrible bus, essayant de rester zen face à tant de problématiques : peur de la peste, circulation sauvage, zéro rentrée d’argent à cause d’un problème technique et financier au sein de l’actuelle société où je travaille… J’essayais de me remettre tant bien que mal les idées en place, j’allais accélérer le pas, quand un fou furieux a surgi de nulle part et m’a donné un coup de poing en plein sur le visage. Je l’ai évité de justesse mais son poing est retombé sur mon bras.

fou furieux agression
Une folle de Diego filmée en direct par la Youtubeuse malagasy Makoa Mena. Cliquez sur son nom pour voir la vidéo! Elle est super!

En l’évitant et sous la pression de son coup, j’ai atterri sur le sol, le choc amorti par mon cartable. Non.. Par l’ordinateur dans mon cartable. Je suis restée immobile deux secondes en pensant à combien de probabilités il existait pour que j’ai cassé mon PC… Comme les gens à l’arrêt du bus me regardaient – sans même penser à me secourir – je me suis décidée à me relever. J’aperçus une personne qui semblait courir – il faisait déjà plus ou moins noir – à près de cinq mètres de là où j’étais. Il brandissait son poing et une autre personne le reçut de plein fouet, quelques secondes après. Tout le monde semblait tétanisé mais personne ne réagissait. Même pas un petit signe pour dire de faire attention. C’était bien les malagasy, ça ! Tous amorphes devant les faits réels mais tellement « activistes » et « révolutionnaires » sur Facebook… Pfff… Un idiot de chauffeur m’a encore lancé un « Fa ahoana e ? » (1) J’ai failli lui lancer mon poing dans la figure mais je me suis dite que je ne pouvais pas moi aussi devenir folle.

Je lui ai répondu: « Le fou m’a poussé ! »…

Aaaaah… », fit-il en faisant ronfler son moteur pour démarrer.

« Oui », murmurais-je, en regardant à nouveau vers le fou qui disparaissait dans l’obscurité. J’ai repris de la vitesse et marché jusqu’à la maison, qui se trouvait à cinq minutes de l’arrêt de bus.

Et mon PC ?

Une fois arrivée, j’ai couru dans ma chambre et j’ai essayé de démarrer mon PC. Les larmes me sont montées aux yeux quand j’ai vu que l’écran affichait plein de traces de fissures, dont une tâche d’encre à l’intérieur, sur le côté droit. L’écran s’est fendu de l’intérieur… Ce qui me rendait triste, c’était que je tenais à mon ordinateur comme à la prunelle de mes yeux. Ça fait sept ans que je l’utilise. Depuis la classe de première. Il représente toute ma vie : mes devoirs de lycée, mes mangas, mes exposés et speechs à l’université, mes articles quand je travaillais encore dans les journaux locaux l’Express de Madagascar et la Vérité, mes billets pour Mondoblog... Je n’ai pu retenir mes larmes. Je ne pouvais plus penser à autre chose qu’à le réparer. Comment ? Où ? Combien ça coûterait… J’ai failli ne pas trouver le sommeil. C’est tout mon travail d’écriture qui est en jeu. Mais bien sûr, j’ai pu le réparer. Autrement, je n’aurais pas pu écrire cet article aujourd’hui.

Madagascar, l’île aux fous furieux

Je tiens à souligner que cette agression par un malade mental n’est pas une première. Il y a de cela quelques années, j’ai été insultée et failli me faire abattre par une folle qui passe son temps à insulter les gens qui se trouvent sur son chemin dans les rues de la Capitale, et notamment dans notre quartier, Ankadindramamy. Oui. Les fous courent les rues à Madagascar, littéralement. Les autorités compétentes ne s’en occupent plus depuis des années. Les quelques hôpitaux psychiatriques de la Grande île « ne reçoivent plus », comme ils disent, à cause de difficultés financières et techniques. Nombreux fous et folles sont rejetés par leur famille et errent dans les rues, de jour comme de nuit. Certains, très dangereux – comme celui qui m’a agressé – font des dégâts considérables : lancers de pierres sur des voitures, port d’objets métalliques en pleine rue, crise de folie en pleine milieu d’autoroute, cris assourdissants…

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Antananarivo Sud vu d’Ambanidia. cc: Tiasy

Mais voilà. Personne ne s’en occupe. Dans les autres provinces, que ce soit Toamasina, Mahajanga, Antsiranana ou encore Toliara, les fous errent dans les rues et, parfois, terrorisent la population. Des plaintes sont déposées auprès des autorités mais restent sans suite… Ben oui ! Ce n’est sûrement pas la priorité de l’Etat. Il n’arrive déjà pas à s’occuper des mendiants, que va-t-il bien pouvoir faire de fous furieux ? Le pire, c’est que chaque année, le nombre de malades mentaux croît dans la Grande île, et en grand nombre.

« Le nombre de malades hospitalisés pendant la période de l’étude est de 15 368 dont 2,45 % seulement (n = 376 ) sont des cas psychiatriques, comprenant 264 hommes et 112 femmes (sex-ratio = 2,35). L’âge moyen des malades est de 31,24 ans, avec les extrêmes de 2 et de 76 ans. »

Les troubles psychiatriques à Madagascar : étude clinique de 376 cas répertoriés à Mahajanga (2)

Selon les affirmations d’un spécialiste des maladies mentales au sein de l’Institut d’hygiène Analakely, de plus en plus d’individus présentent des formes de démence. En effet, les dépressions, schizophrénies et autres troubles mentaux peuvent conduire à la folie. Et d’après les informations obtenues auprès de l’établissement sanitaire, la prévalence de ces maladies mentales est en hausse constante à Madagascar. Toutefois, faute de moyens, peu d’individus sont traités. Outre les médicaments qui coûtent considérablement cher, une seule séance de psychothérapie coûte moins de 25 000 ariary, soit environ 8 euros. Un tarif qui reste inaccessible à 90% des malagasy vivant à moins d’un euro par jour. Sinon, si vous êtes vraiment curieux de voir comment ces fous vous terrorisent, regardez cette vidéo de Makoa Mena sur Youtube. C’est très intéressant et le moment où la folle surgit est à mourir de rire ! Et elle fait également une réflexion sur les fous qui courent les rues à Madagascar.

(1) « Fa ahoana e? »: expression malagasy qui signifie littéralement « Comment? », mais ici signifie plutôt « Eh ben alors? »
(2) M. Andriantseheno (1), T. F. Andrianasy (a) & D. S. Andriambao (b)
  • (a) Service de neuropsychiatrie, CHU de Mahajanga, Madagascar.
  • (b) Clinique neuropsychiatrique, CHU de Befelatanana, Antananarivo, Madagascar.
       Manuscrit n°2458.“Clinique”.Reçu le 9 septembre 2002.Accepté le 2 septembre 2003.


Face à la peste, une crise sociale attend Madagascar au tournant

Trois mois qu’une épidémie de peste sévit à Madagascar, et elle ne semble pas prête à mettre les voiles. La psychose de la peste est sur le point de conduire à une crise sociale. Tous les problèmes auparavant enfouis ont refait surface : conflits entre les institutions publiques et les particuliers, inégalités sociales et religieuses. Des faits qui pourraient conduire vers une crise sociale.

Face à la peste, crise sociale au tournant

L’épidémie de peste qui sévit depuis trois mois à Madagascar devient un véritable phénomène social, et une crise sociale attend au tournant si les dirigeants ne se hâtent pas de prendre des mesures plus « efficaces ». Entre petites dératisations par-ci et petites désinfections par-là, les mesures prises par l’Etat semblent loin d’avoir un impact sur l’éradication de la peste. Pire, le nombre de victimes ne cesse de s’accroître. De quoi attiser les flammes déjà allumées et alimenter le charbon déjà installé dans la société. Exemple concret : la rébellion de la Direction diocésaine de l’enseignement catholique, ou Didec, face à une prolongation sans fin de la fermeture des écoles, alors que tous les autres secteurs continuent de tourner. C’est ainsi que la Didec a décidé de reprendre les cours hier, 25 octobre, si les cours ne doivent officiellement commencer que le 6 novembre prochain.

peste désinfection
Des désinfections ont eu lieu dans la Capitale, mais moindres.
cc: Cua Serasera

« Le gouvernement utilise tout simplement la peste comme excuse pour sanctionner l’enseignement. Alors que les lieux de travail, bureaux, zones franches et autres continuent d’ouvrir chaque jour. L’épidémie ne sera pas éliminée avec des mesures aussi alternatives. Cela devient seulement une punition pour des établissements qui auraient dû donner des cours depuis plusieurs semaines », a-t-on appris d’une source bien informée.

En effet, les membres de l’éducation catholique soupçonnent une stratégie politique pour mettre à mal le système éducatif malagasy, déjà fortement fragile, et tenter de repousser la rentrée scolaire au mois de janvier 2018 pour quelques sordides raisons, dont notamment des intérêts politiques et des magouilles dans le secteur éducatif. Face à cela, la Didec peste. Malheureusement, cette décision de la Didec a aussi remis à la surface les inégalités sociales et religieuses.

Peste : remontée des inégalités sociales et religieuses

Les contestations de la décision de la Didec ont été vives, notamment sur les réseaux sociaux. Parmi ces contestations, le fait que les « Catholiques » veulent se distinguer. En effet, on en parle peu mais les Catholiques ont toujours été pointés du doigt pour les différents événements organisés qui rassemblent le plus important nombre de fidèles dans la Grande île : visite des reliques de la Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de ses parents en 2015, et du Cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’Etat du Vatican, en janvier dernier. Et dans cette distinction, le fait que les élèves des écoles catholiques – parmi les meilleurs établissements à Madagascar et reconnus pour leur discipline, leur rigueur dans le partage des connaissances et dans l’éducation – se verront encore plus hissés au premier rang car ils pourront rattraper ces semaines de retard scolaire. Tandis que les élèves des écoles  privées moins avantagées et ceux des écoles publiques devront attendre que le gouvernement décide de leur sort. Et tout le monde sait que les écoles publiques sont loin de pouvoir – et vouloir – offrir cette qualité d’enseignement que les parents malagasy rêvent d’offrir à leurs enfants. D’autre part, il existe d’autres écoles religieuses protestantes, luthériennes, adventistes, anglicanes et musulmanes qui ne sont regroupées nulle part et qui ne font ni partie des privés simples ni de la Didec. Qu’en est-il de ces écoles et des enfants qui y étudient ? Pourraient-ils eux aussi hausser la voix et pousser le gouvernement à prendre des mesures plus radicales contre la peste?

La peste mène vers une crise sociale. Outre le secteur éducatif, de nombreux secteurs en pâtissent. Le secteur du transport a observé un certain déclin.

« Le nombre de voyageurs ne cesse de baisser depuis le mois d’août. Cela a fortement régressé en ce mois d’octobre, si bien qu’on arrive à peine à tenir jusqu’à la fin du mois », explique un chauffeur de taxi-brousse à la gare routière Ambodivona.

Toujours suite à la peste, la consommation d’essence a fortement baissé. Le prix du riz ne cesse d’augmenter, et cela depuis le début de l’année 2017. Aussi, face au bruit qui court selon laquelle la peste pourrait être « injectée », de nombreuses personnes refusent d’aller se faire ausculter même s’il est atteint de maladie autre que la peste, peu importe la nature et la gravité de la maladie. La majorité des foyers se serrent ainsi la ceinture dans tous les sens du terme, et pourtant, les fêtes de fin d’année approchent. A ce rythme, les sapins, jouets et autres caprices pourraient être jetés aux oubliettes pour de nombreuses familles.


Rétrospective de mes 15 ans d’animes et de mangas

Ça fait 15 ans. 15 ans cette année, que je regarde des animes et lis des mangas japonais. Les animes et mangas ont façonné mon enfance, mon adolescence, et actuellement ils façonnent ma jeunesse. Ils représentent pour moi toute une vie.

Mangas et animes : ils ont marqué mon enfance

Je me rappellerai toujours du premier anime que j’ai regardé : Beyblade – série de mangas écrite et dessinée par Takao Aoki. Mes premiers animes remontent à la classe de neuvième, soit vers 2002. J‘étais en classe de neuvième, soit en CP2, et à cette époque, il y avait une émission appelée « Total Manga » sur RTA, une chaîne de télévision de la Capitale… C’est grâce à cette émission que j’ai aimé les animes et commencé à lire les mangas. Les cours se terminaient à 16 heures et justement, Total Manga commençait à cette heure-là. Comme mon école se trouvait à deux minutes de chez moi, je m’appliquais à courir chaque après-midi à 16 heures pour voir mon émission. Hors de question de la rater ! J’avais tout simplement hâte de voir ces personnages que j’admirais tant, et qui étaient pour moi comme des gens de ma famille. Je connaissais par cœur les génériques, dont notamment celui de Hamtaro – manga de Ritsuko Kawai, de Magical Dorémi et de Shaman King, manga que j’ai lu et anime que j’ai regardé, de Hiroyuki Takei.

« Ouvre les yeux, regarde bien.

Tu peux bondir plus haut et plus loin.

Le monde que tu vois n’est rien qu’une image.

Ecoute plutôt tes rêves les plus sauvages… » (Shaman King OST, version française)

Ces chansons, quoique toutes faites et mettant en relief un idéal de rêve et de fantasmes, m’ont appris à rester positive dans la vie, à savoir me battre pour mes rêves, et tout simplement à devenir qui je suis aujourd’hui. Je me souviens d’avoir dansé et chanté sur ces génériques avec mes copines de l’époque.

magas black butler
Black Butler, un de mes mangas favoris.

Aujourd’hui encore, nous en en parlons quand nous évoquons nos souvenirs, sur Facebook notamment car nous ne nous voyons plus. Des souvenirs que représentent de véritables trésors. Je me souviens aussi de Kai, un jeune homme arrogant, froid et peu bavard, avec un look des plus agressifs dans Beyblade. Vous croirez que je suis folle mais je craquais à fond sur ce genre de personnage. Cela n’a d’ailleurs plus tard fait que s’aggraver quand j’ai vu C17 dans Dragon Ball Z – manga d’Akira Toriyama,  ou encore Sasuke dans Naruto – de Masashi Kishimoto, et Ciel Phantomhive dans Black Butler – de Yana Toboso. Pour revenir à Hamtaro, cet anime m’a donné l’envie d’écrire un journal intime. Cela m’a permis de découvrir que j’avais une passion pour la rédaction et de me conduire à des études en journalisme et en blogging, plus tard.

Manga et animes : ils continuent à marquer

Gros bébé dites-vous ? Disons plutôt que j’aime cette partie de moi qui a toujours été amoureuse des mangas et des animes. Je ne veux pas qu’elle me quitte, elle est merveilleuse et me fait toujours retrouver le sourire. Il y a cinq ans, j’ai découvert l’anime K-On – écrit et illustré par Kakifly, qui a renforcé mon amour de la musique et notamment, du rock. Je n’oublierai pas non plus les génériques d’animes qui ont encore plus renforcé mes préférences en matière de musique rock, et cela même si c’est du J-Rock. Il y a aussi eu Nana – manga de Ai Yazawa. Récemment, je me suis investie sur Attack on titan– une série de mangas écrit et dessiné par Hajime Isayama. La fatalité, la fin d’un monde tout aussi  grand que le nôtre, la peur de se faire vaincre et dévorer par des êtres plus puissants et grands que les humains, sont tellement mis en relief que ça m’en bouche un coin. Comme dans tous les mangas que j’ai regardé, cette puissance de l’amitié et la volonté de vouloir changer les choses sont fortement soulignés, et sont, semblent-ils, « la clé de la réussite ». Un peu cliché, mais toujours aussi intéressant. Grâce à tout cela, j’ai le manga dans la peau. Quand une partie de notre vie y a été dédiée, cela nous a évidemment façonnés et contribuera à bâtir notre avenir, quelque part. Comme mon petit cousin qui parle déjà japonais à cinq ans à force de regarder Naruto !

 

*Petite remarque:
Quelle est la différence entre mangas et animes ?
Les gens le confondent souvent, et j’ai horreur de ça. Donc voilà : « Manga » désigne le support papier et « Anime » le support vidéo.


A Madagascar, l’industrie de la musique tourne à l’autopiratage

L’industrie de la musique est l’une des industries les plus florissantes à Madagascar. Mais cette année, le secteur musical connaît un déclin. Les artistes ont donc changé d’alternative : place à l’autopiratage.

Matraquage et autopiratage à Madagascar

Les artistes de la Grande île rencontrent actuellement de grandes difficultés. C’est ainsi que les amateurs et professionnels du showbiz malagasy ont décidé de faire appel à l’autopiratage. L’autopiratage, qui est l’action de se pirater soi-même, de faire une copie illégale d’une œuvre que l’on a soi-même créée dans le but de se faire de l’argent. En effet, face à la crise économique et sociale qui persiste depuis plusieurs années, se faire de l’argent par le biais du show-business n’est plus aussi facile qu’auparavant. Les artistes déjà connus ont du mal à préserver leur notoriété. Ceux qui veulent faire carrière ont beaucoup de mal à se faire connaître. Le matraquage se fait actuellement à des millions d’Ariary.

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Mamina Rakotondravao, un des lauréats du concours musical télévisé « Feo Tokana Gitara Iray ».

« Le matraquage est l’une des meilleures sources de revenus pour les radios et TV à Madagascar. Cela coûte extrêmement cher, et seuls les artistes qui « en ont les moyens » peuvent s’offrir le luxe de matraquer leur chanson. Les moins fortunés sont moins connus car leurs œuvres ne sont pas « fortement matraquées », a témoigné Mamina Rakotondravao, artiste en herbe, un des lauréats du concours musical télévisé « Feo Tokana Gitara Iray ».

Un concours organisé par la RTA et l’illustre chanteur malagasy Erick Manana. Pour qu’une chanson soit connue, il faut faire passer une chanson une dizaine de fois sur les ondes, et de même pour un clip à la télé. Un investissement qui n’est pas toujours rentable et qui, parfois, conduit même à une perte de plusieurs millions pour un chanteur/musicien.

Autopiratage: une alternative facile et sûre pour les artistes

L’autopiratage est devenu une solution pour de nombreux artistes qui n’ont pas les moyens de se payer – ou ne veulent pas se payer – le matraquage dans les médias. Il suffit de diffuser sa chanson dans les kiosques qui « mampiditra hira », ou littéralement « mettent des chansons » dans les MP3, MP4, téléphones et autres supports électroniques, à 100 ariary par chanson, soit environ 0,02 euros – ça paraît extrêmement accessible mais cela est très difficile à trouver pour les 90% de Malagasy qui vivent en dessous d’un euro par jour.

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Un kiosque »mampiditra hira » à Ambatomaro, un quartier de la Capitale.
cc:Tiasy

Bref, ces kiosques sont présents presque partout dans les rues de la Grande île. Notamment dans les provinces et régions où les gens préfèrent « acheter » les dernières nouveautés musicales sur les trottoirs plutôt que de s’acheter une radio. Il est indiscutable que l’autopiratage est efficace à cent pour cent, économique et facile, comme l’a affirmé un intervenant lors du conférence-débat portant sur le thème « Les médias et leur rôle dans la promotion de la culture », le 20 septembre dernier à l’IKM(1) Antsahavola, à Antananarivo.

Favorisation du piratage : retour en arrière

Cette pratique de l’autopiratage est devenue tellement courante que les artistes en ont oublié leur combat contre le piratage, il y a de cela quelques années. A l’époque, il s’agissait d’un grand fléau de l’industrie musicale. Des artistes ont enregistré des gaps de plusieurs millions dus au piratage et au marché y afférant. Marché qui existe encore aujourd’hui mais semble apprécié par certains. Il s’avèrerait que le piratage ait ses bons côtés. Il permettrait que l’artiste se fasse connaître, ce qui entraîne une plus grande audience lors des concerts, d’où de meilleurs chiffres d’affaires. D’où cette pratique illégale de s’autopirater.

« Il y a des artistes qui font de l’autopiratage leur principal moyen de matraquage« , a témoigné Anjara Rasoanaivo,journaliste culturelle de Midi Madagasikara.

Fait triste mais pourtant réel, cela démontre à quel point l’industrie de la musique est en difficulté dans la Grande île. Pour de nombreux artistes, aujourd’hui, c’est le commerce qui prime. Il n’est plus question de légal ou pas, culturel ou pas, il est question avant tout d’argent. Le Gouvernement et le ministère de la Culture et du patrimoine ne semble nullement s’inquiéter des problèmes rencontrés actuellement par les artistes. Il faut avouer que l’industrie musicale, bien que mise à mal, marche toujours mieux que les autres secteurs économiques. Mais le problème pourrait ne pas se poser maintenant. Il pourrait se poser dans cinq, dix ans. Et c’est là que les conséquences de cet autopiratage si bien pratiqué se verront, tant sur le front musical qu’économique et culturel. Faut-il rappeler qu’une œuvre piratée n’a aucun avenir au niveau international – si cela se sait bien sûr ! De même qu’un artiste piraté puis autopiraté sera tout aussi non crédible.

« Il faut rechercher des solutions, trouver des initiatives. Les bonnes pratiques sont souvent mal exploitées« , continue Anjara Rasoanaivo.

A l’exemple de la radio en ligne paradisagasy.com, qui est le site le plus apprécié par les artistes pour leur notoriété et le matraquage qu’on peut y faire. Il s’agit d’un bon exemple à suivre pour ces artistes qui souhaitent se faire connaître.

 

(1)IKM : acronyme pour « Ivon-toeran’ny kolontsaina malagasy », qui est un centre dédié aux artistes, à l’art et aux œuvres artistiques malagasy

 


A Madagascar, psychose face à une nouvelle épidémie de peste

Une nouvelle épidémie de peste sévit à Madagascar. Aujourd’hui, les Provinces de Toamasina et d’Antananarivo sont classées « zone rouge ». Face à cela, les réactions divergent. Tandis que des individus sont en proie à une psychose insoutenable, certains restent sceptiques et d’autres demeurent complètement passifs devant la situation.

Peste et psychose : port de masques et ingurgitation de « Cotrim »

Hier, de bon matin, de longues files d’attente se sont formés devant les pharmacies. Se procurer un masque et un « Cotrim », comprimé connu pour son efficacité contre la peste, étaient devenus  vitaux pour bon nombre de tananariviens. Dans les rues, de nombreux individus marchaient, un masque sur le visage. La psychose s’installe et continue d’être alimentée. Les masques se sont vendus à une telle vitesse qu’aux environs de quinze heures, la plupart des pharmacies d’Antananarivo étaient en rupture de stock. Des décès ont été enregistrés dans des quartiers de la Capitale, et, vérité ou non, les gens les associaient tous à la peste.

Et dans toute cette panique générale, le Gouvernement restait incroyablement silencieux face à la situation qui risquait d’empirer d’une seconde à l’autre. Le Premier ministre, Olivier Mahafaly, s’est contenté de dire qu’ils « maîtrisaient la situation ».  Hier à onze heures du matin, les chiffres s’étaient arrêtés à 25 morts sur 141 cas suspects, selon une  source officielle. Cette psychose est le résultat d’une chaîne de message qui a été diffusée en privé sur les réseaux sociaux, dimanche soir dernier, annonçant que plusieurs malades sont décédés de la peste au centre hospitalier anti-pesteux à Ambohimiandra. Le message disait qu’il faudrait porter des masques à partir du lendemain pour éviter d’être contaminé, – j’avais moi-même reçu le message. La nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre. S’ensuit les nouvelles de lundi matin qui ont annoncé que la Capitale venait d’être classée « zone rouge », après la Province de Toamasina le 29 septembre dernier.

Longue file d’attente devant les pharmacies pour s’acheter un masque et du Cotrim.
cc: Fifamoivoizana Eto Madagasikara

Scepticisme et passivité

Face à la réaction psychotique de certains habitants de la ville d’Antananarivo, certains ont affiché un réel scepticisme.

« Cette histoire n’est pas nette. D’abord, pourquoi le message a été diffusé en message privé et non en public ? Et ensuite, pourquoi, comme par hasard, cette peste débarque justement au moment où les magistrats veulent continuer la grève, et où le prix du carburant observe une augmentation ? Pour moi, il ne s’agit que d’une diversion pour cacher les réels problèmes du pays « , a témoigné un père de famille, hier.

Un scepticisme également affiché sur Facebook, dans les transports en commun, dans les bureaux, dans les écoles, où les débats sont devenus interminables au sujet de la peste depuis hier. D’autres sont complètement passifs devant la situation.

« Il fallait bien que ça arrive un jour ou l’autre, vu l’insalubrité de cette ville », a laissé échapper un bureaucrate.

Et tandis que ma mère faisait tout pour nettoyer et désinfecter la maison, la cour et le périmètre environnant, notre voisin affichait une réelle indifférence et continuait à frire des beignets « menakely » au milieu de sa cour qui n’avait pas été nettoyée depuis des mois, en la regardant faire. Certains malagasy sont devenus totalement fatalistes et indifférents à tout problème social. Malheureuse réalité.

Causes profondes

En tout cas, il faut avouer une chose. Le manque d’hygiène et l’insalubrité des habitants de la ville d’Antananarivo et des environs sont les principales causes de la prolifération des microbes et de la peste dans la Grande île. Depuis une décennie maintenant, l’hygiène et la propreté n’ont cessé de se dégrader, notamment dans la Capitale. Pour ne mentionner que la crise des bacs à ordure, il y a de cela un an et demi, en janvier 2016, où les déchets se sont amassés dans la ville à cause du manque de compétences des autorités étatiques. Les maladies étaient déjà graves à l’époque : asthme, pneumonie, et même tuberculose.

Et malgré cela, des individus continuent de jeter leurs déchets partout dans les rues. De belles dames qui jettent l’emballage de leurs biscuits par-dessus la vitre de leur joli véhicule Land Rover, et qui se permettent de hausser le ton quand on leur dit que ce n’est ni sain, ni poli. Même réaction pour les chauffeurs de bus et receveurs quand on leur dit de nettoyer, tellement leur véhicule s’est transformé en cage à poules au fil des années, en raison du manque d’hygiène et d’entretien. Cafards, araignées, puces, moustiques, on en trouve dans les bus de la Capitale et des Provinces, et cela semble tout-à-fait normal.

 

L’alliance française reprendra ses activités demain, après deux jours de fermeture pour désinfection.
cc:Tiasy

Rappelons que le premier décès de cette nouvelle épidémie de peste a été enregistré le 28 août dernier, quand le malade, qui avait contracté la maladie à Ankazobe, en Hautes-Terres, est décédé à Moramanga, une ville de l’Est, dans un taxi-brousse qui se dirigeait à Toamasina. Sur le chemin, il a contaminé deux passagers, décédés début septembre. Et malgré ce fait flagrant qui démontre que les transports en commun sont un des principaux facteurs de prolifération de toute sorte de microbe, les autorités et les propriétaires des véhicules semblent complètement amorphes face à l’urgence qui s’annonce. A qui profite donc tant de malheur ?

Les écoles sont fermées depuis ce jour. Les évènements publics ont été annulés, dont le Madajazzcar, un évènement emblématique culturel et d’envergure internationale. Des instituts publics comme l’Alliance française ont fermé leur porte « jusqu’à nouvel ordre ». Mais ces mesures ne sont pas suffisantes. La plupart de ces mesures sont prises par les particuliers eux-mêmes. Le Gouvernement n’a pas bougé le petit doigt pour ordonner une quelconque mesure préventive à prendre, même pas dans les bus, les gargotes, les restaurants… Ici, c’est chacun pour soi. Tu fais comme bon te semble. Peu importe si c’est pour survivre ou mourir.


Mon combat pour la reconnaissance du webjournalisme à Madagascar

Dans mon pays, le webjournalisme est encore loin d’être reconnu. Aujourd’hui, après deux ans d’expérience dans le journalisme, je travaille dans le domaine de la presse en ligne. Mais cela est un véritable parcours du combattant.

Le webjournalisme non reconnu à Madagascar

L’horizon est sombre pour les blogueurs de mon espèce. Un orage semble s’annoncer. Les institutions, tout comme les sociétés privées et autres entités, ont tout simplement du mal à cerner ce qu’est le webjournalisme et le blogging, dans la Grande île. Les blogueurs sont rapidement rayés du carnet d’adresses de ces grandes personnalités qui font tourner cette Grande île… Blogging, webjournalisme. J’ai toujours été fascinée par ces mots. A 12 ans, j’avais créé mon petit blog sur Skyrock. Je ne me souviens même plus du mot de passe aujourd’hui. A l’époque, c’était un petit blog personnel sur le manga et le rock. Actuellement, je reviens vers cette passion, après deux ans d’expérience dans le journalisme. J’envie les grands pays où le webjournalisme est reconnue comme une discipline professionnelle. Lors d’une mission à l’étranger, j’ai pu mesurer à quel point le webjournalisme et le blogging sont incontournables dans le monde de la communication et de l’information. Dans ces pays où le développement numérique est déjà à un

Briser les règles à Madagascar photo
« Il faut briser les règles ».

stade plus qu’avancé, le journalisme 2.0 et le journalisme traditionnel se marient parfaitement. Les journalistes de la presse en ligne sont alignés au même rang que les journalistes de la télévision, de la radio et de la presse écrite. Et d’ailleurs, les journalistes de la presse en ligne constituent la majorité de la communauté médiatique. WordPress, SEO et autres outils sont pour ces individus de la technologie un outil aussi commun que le micro et le dictaphone. Les caméras ont été remplacés par le téléphone et le Facebook Live est devenu une alternative à la transmission en direct. Malheureusement, dans mon pays, le webjournalisme est encore loin d’être reconnu. Le nouveau Code de la communication adopté en 2016 n’a pas reconnu les journalistes 2.0 et les blogueurs, même si des représentants de ce monde digital ont été présents à la consultation publique, comme l’a témoigné un ami blogueur qui a choisi de garder l’anonymat. D’ailleurs, à Madagascar, les journalistes de la presse en ligne n’ont pas le droit d’assister aux conférences de presse et autres évènements médiatiques. Ils constituent une entité à part et un mur s’est dressé entre le webjournalisme et le journalisme traditionnel. Chose bien triste, car les médias « new school » et les médias « old school » sont censés être complémentaires. Après cinq mois à écrire et à insister sur certains problèmes majeurs dans le pays – en restant discrète car seul Facebook permettait mon contact avec le public – j’ai finalement décidé de sortir de mon cocon pour aller confronter ce journalisme virtuel à un journalisme plus réel.

La voie de la reconnaissance

Me présenter comme blogueuse pour diffuser une information à une conférence de presse demeure est toujours difficile. La plupart des blogueurs malagasy se cachent et opèrent vraiment dans l’anonymat. Ils utilisent des pseudonymes, créent des comptes aux noms inconnus sur les réseaux sociaux, et ces individus sont parfois les plus inimaginables : opératrice de saisie, entrepreneur, politicien… Cela semble improbable de voir ces individus sur terrain en plein « bain de journalistes ». Toutefois, cela ne représente pas forcément une fatalité. C’est ainsi que, petit-à-petit, grâce à des travails sur terrain où il m’a fallu un grand travail de « réseautage », une voie s’est ouverte pour permettre que la presse en ligne fasse partie de la grande famille des médias. Mais ce n’est pas encore gagné.

Vers une révolution digitale ?

Jusqu’à présent, le combat continue. Le blogging à Madagascar demeure encore très difficile car la législation ne permet pas encore son exercice total. L’Ordre des journalistes (OJM) malagasy est encore vague sur le sujet. Quant à la question du numérique à Madagascar, le volet connexion est également un sujet à traiter à part – j’en avais déjà parlé dans un billet. Je peux cependant dire qu’évolution il y a dans le secteur du webjournalisme. Actuellement, avec l’expansion des réseaux sociaux, les petits blogueurs sur Facebook et Twitter sont de plus en plus nombreux. De même, les blogs et sites web se multiplient. Ceux-ci sont la plupart à ligne éditoriale politique : contre le régime. Cela, les politiciens commencent à le comprendre et, en vue de l’élection présidentielle de 2018, ils ont adopté une nouvelle stratégie de communication. Actuellement, les journalistes en ligne sont de plus en plus conviés aux évènements médiatiques, qu’ils soient institutionnels ou privés. Vers une révolution digitale et numérique?