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A Madagascar, la gabegie des taximen et des chauffeurs de bus

Taxis, bus et taxi-brousses sont les seuls moyens de transport en commun des malagasy dans la Grande île, en général. Le train a disparu peu après la colonisation après 1960. L’avion, c’est un cas à part. C’est ainsi que les transporteurs font régner la gabegie dans l’île, notamment dans la capitale.

Taximen et chauffeurs de bus, des partisans de la gabegie

Ils représentent environ plus de 75% des voitures qui circulent dans les grandes villes de Madagascar. « Ils », ce sont les taxis et les bus qui servent de transport en commun aux malagasy. Ils font régner la loi de la gabégie, qu’on appelle communément le « gaboraraka », surtout à Antananarivo. Ils sont responsables de la majorité des accidents. Et ils sont contre tout changement positif que toute entité publique ou privée voudra apporter pour améliore le secteur transport dans la Grande île, tout simplement parce qu’ils craignent leur chute face à une meilleure qualité de service.

Des milliers de chauffeurs – ou chauffards – qui font la grève dès qu’on leur impose la moindre petite mesure pour améliorer la situation. Chauffeur Rakoto se plaint que des taxis clandestins existent, mais Monsieur Rakoto refuse de régulariser ses papiers parce que ça prend du temps et de l’argent. Rakoto pense que c’est pas si mal, les taxis clandestins. De son côté, des chauffeurs de bus se plaignent de la mauvaise qualité des routes, du manque de « collaboration » des voyageurs face aux mauvaises conditions qu’on leur impose dans les transports en commun, et se moquent de leurs collègues qui font des accidents

– « Heureusement que ce n’était pas moi! », pensent certains – mais ils ne feront jamais rien pour améliorer leurs services. Bref, « vaut mieux que les accidents continuent d’avoir lieu parce que franchement, devoir faire une contre-visite tous les six mois, ce n’est pas possible! », pensent la plupart des taximen et chauffeurs de bus. Triste réalité. La gabegie est irréversible à Madagascar, et ceux qui imposent des mesures se feront vite couper la tête. C’est le cas de la Commune urbaine qui a récemment décidé d’imposer une contre-visite aux taxis tous les quatre mois. Mardi 19 septembre dernier, les taximen d’Antananarivo ont fait la grève pour « manifester leur mécontentement », et surtout manifester combien ils refusent toute discipline dans cette ville. Nous sommes loin du développement.

Les taxis-ville d’Antananarivo ont fait la grève pour contester la nouvelle mesure de contre-visite imposée par la Commune, en collaboration avec l’entreprise Omavet.
©Cua serasera

Les simples usagers et voyageurs éternels victimes

Et tandis que nos chers amis taximen, chauffeurs de bus et n’oublions pas, receveurs, font régner le « gaboraraka » et inculquent cette vision à nos enfants, nous souffrons atrocement de tout cela mais osons à peine nous plaindre. Comme mon cas, je refuse de conduire une voiture dans les rues de cette Ville des mille tout simplement parce que je klaxonne à chaque coin de rue, mais finalement c’est moi-même qui me fait du mal car les chauffards n’en ont rien à cirer.

D’autre part, les voyageurs des taxis et bus doivent subir toute sorte de traitement: saleté, odeur nauséabonde dans les bus, des volailles, matelas et ivrognes pour compagnons de route, les pannes de voiture où ils vous proposent le service « bluetooth » (transfert d’un bus à un autre), le « mijoro amin’ny lalantsara »(1) et le « seza rivotra »(2), la musique qui vous casse les oreilles, et les insultes, dans le pire des cas… Et malgré tout ce désordre infernal, le Gouvernement doit céder car les transporteurs menacent de cesser toute activité, ce qui pourrait mener à une crise sociale déjà plus ou moins couvée. La situation semble sans issue.

(1) »mijoro amin’ny lalantsara »: tous les passagers du bus assis sur les strapontins doivent se lever pour laisser place à de nouveaux passagers, qui eux aussi devront se lever
(2) »seza rivotra »: les passagers doivent faire semblant de s’asseoir quand on aperçoit un policier de l’autre côté de la rue, ou le véhicule pourrait être arrêté et le chauffeur se verra retirer sans permis pour voir transporté des personnes debout


Les difficultés entre Madagascar et Youtube

La relation Madagascar-Youtube est compliquée. Depuis la création de Youtube il y a plusieurs années maintenant, eh bien la relation reste tendue, et l’accouplement demeure encore difficile.

Malagasy et Youtube : difficultés d’accouplement

Les internautes malagasy ne se sont jamais vraiment retrouvés dans leur relation avec Youtube. Cette plateforme numérique de vidéos ne séduit pas encore dans la Grande île, et l’accouplement demeure encore très difficile pour plusieurs raisons. La principale raison est la difficulté à se connecter. Contrairement à la majorité des pays du monde, notre pays qui se trouve assez loin dans l’Hémisphère Sud n’a pas encore cette connexion rapide et sécurisée que le grands pays développés du monde possèdent. Le Wi-Fi à Madagascar, ce n’est pas à la portée de tout le monde, et les cybercafés sont encore le principal moyen de connexion des malagasy. Et la connexion dans les cybers n’est pas toujours au top…

On a encore du mal à cerner Youtube.

De plus, la connexion mobile, bien qu’à un prix abordable, propose des forfaits limités. C’est ainsi que la plupart des malagasy ne se connecteront jamais à Youtube, parce que ça consommera beaucoup plus de Mégaoctets que Facebook ou encore Gmail et autres… D’ailleurs, tout ce qui est vidéo, à Madagascar, on n’y touche pas. Ça consomme en grande quantité et la ration quotidienne des malagasy en matière de consommation mobile internet est de 10 à 20 Mégaoctets. Avec ça, c’est Facebook illimité grâce aux forfaits proposés par les opérateurs mobiles. Une autre raison : les malagasy n’ont pas vraiment compris le concept Youtube.

En effet, pour la plupart des internautes malagasy, Youtube, se connecter sur le site s’arrête à regarder des vidéos. Pas besoin de se créer un compte ou autres, il suffit de regarder. Peu de malagasy possèdent un compte Youtube. La plupart du temps, ce sont les médias, les maisons de production numérique et les artistes qui possèdent un compte Youtube, mais même s’ils publient leurs clips et leurs vidéos sur leur chaîne, celle-ci enregistre peu de « vues », et compte zéro commentaire. Facebook demeure ainsi plus pratique à la fois pour ces entités qui désirent publier des produits visuels.

Une expérience désagréable

Pour mon cas, j’ai eu la chance de tester Youtube, en tant qu’utilisateur – bien que je ne me souvienne même plus de l’identifiant de mon compte maintenant. Je voulais poster une vidéo sur Youtube, à l’époque. Mais déjà, j’avais du mal avec les fonctionnalités. De plus, je m’étasi connectée dans un cybercafé. Le temps m’était compté, et pourtant la connexion était horrible… Tellement horrible que le compteur affichait deux heures pour que ma vidéo qui durait deux minutes soit chargée… Et puis zut! Cette histoire s’est passée il y a cinq ans de cela… Plus tard, j’ai essayé d’investir sur la plateforme numérique Soundcloud. Mais bon, à Madagascar, ça aussi ça ne le fait pas… donc…

Plateformes numériques : Youtube dans le top 10

Facebook propose une fonctionnalité en langue malagasy, contrairement à Youtube.

A Madagascar, la culture numérique commence tout juste à faire ses premiers pas. Et tandis que des pays passent maintenant le tournant des youtubeurs, des Facebook Live et d’Instagram, Madagascar démarre tout juste avec Facebook qui est devenu le réseau social le plus utilisé dans la Grande île, suivi d’Instagram et de LinkedIn. Whatsapp est également parmi les cinq premiers, devant Twitter et Viber, et Youtube ne serait que le neuvième ou dixième site le plus visité après Gmail ou encore Yahoo. Bien que Youtube ait réussi à séduire la majorité de la planète, il faudra encore quelques années pour que les malagasy en deviennent des adeptes.


Liberté religieuse : Madagascar avance avec 283 groupes religieux officiellement enregistrés

283 groupes religieux ont été officiellement enregistrés par le ministère de l’Intérieur malagasy, au mois d’octobre dernier, selon le rapport international 2016 sur la liberté religieuse à Madagascar.

 283 groupes religieux enregistrés en 2016

Un chiffre considérable. 283 groupes religieux ont été enregistrés par le ministère de l’Intérieur, en octobre 2016, selon le rapport international sur la liberté religieuse à Madagascar. Un chiffre considérable, si l’on établit que chacun de ces groupes dénombre plus de 100 individus, et est constitué d’un conseil d’administration comptant neuf membres nationaux, comme l’exige la loi. En effet, « pour être admissible à l’enregistrement, un groupe doit avoir au moins 100 membres et un conseil d’administration élu ayant neuf membres tout au plus et qui doivent tous être des nationaux. Les groupes ne répondant pas ces conditions d’inscription peuvent se faire enregistrer plutôt comme «de simples associations», apprend-on du rapport international. « En se faisant enregistrer, un groupe religieux reçoit le statut juridique nécessaire pour recevoir des legs et autres dons directs. Une fois enregistré, le groupe peut demander une exemption de taxe à chaque fois qu’ils reçoivent un don de l’étranger ». On sait également que les groupes religieux enregistrés ont le droit d’acquérir des terres auprès des particuliers afin de construire des lieux de culte. Malgré une certaine rigidité de la part de l’Etat, force est de constater que la liberté religieuse est en expansion dans la Grande île.

Une discrimination sociale basée sur la nationalité

Les catholiques font partie des groupes religieux importants à Madagascar. © Tiasy

La Constitution malagasy prévoit la liberté de la pensée religieuse et d’expression et interdit la discrimination religieuse. Des lois protègent également la liberté religieuse individuelle contre les abus par le gouvernement ou des acteurs privés. Toutefois, la liberté de religion n’existe pas toujours, notamment à cause des anciennes lois sur la nationalité. « Selon une étude menée par l’ONG Focus Development et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCNUR), de nombreux Musulmans nés au pays n’ont pas pu obtenir des documents pour la citoyenneté à cause des lois sur la nationalité qui limitent la capacité des femmes Malagasy à transmettre la citoyenneté à leurs enfants si le père n’est pas citoyen. Le Ministère de l’Intérieur (MdI) a déporté 10 Imams Pakistanais qui ont dépassé la date d’expiration de leur visa. Ils ont dirigé une mosquée ainsi qu’une école coranique, ce qu’ils ne sont pas autorisés à faire avec un visa touriste », apprend-on du rapport de l’ambassade américaine. « Des membres de la communauté juive de petite taille et nouvellement convertie ainsi que la communauté musulmane ont indiqué que l’accès à des écoles privées leur a été refusé à cause de leur affiliation religieuse. Des membres de la communauté juive ont également signalé ils ont fait l’objet d’une attention malveillante à cause de leurs habits, qui comprennent des couvres-tête pour les femmes ». Ce ne sont que des exemples de discrimination sociale effectuée envers les Musulmans, principales cibles de cette ségrégation. Touefois, d’autres groupes religieux, comme le FJKM ou Fiangonan’i Jesoa Kristy Eto Madagasikara (1), ont été victimes de persécution par la société et les acteurs gouvernementaux. Face à cela, des discussions entre les membres de la société civile et le Gouvernement ont eu lieu dernièrement.

Croyants indigènes

Selon les derniers chiffres officiels, sur un nombre d’habitants estimés à 24,4 millions en 2016, 52% des malagasy adhèrent à des croyances indigènes, 41% au Christianisme et 7% sont des Musulmans, notamment des Sunnites. Toutefois, on hésite sur le dernier pourcentage car l’on sait que de plus en plus de malagasy se sont convertis à l’Islam, notamment ceux des zones côtières du nord-ouest, tandis que les Chrétiens dominent plutôt les Hautes-Terres. Les quatre principaux groupes Chrétiens dans la Grande île sont les Catholiques, les Luthériens, les Anglicans et les FJKM qui composent le Conseil œcuménique des églises chrétiennes de Madagascar ou FFKM.  De plus petits groupes comprennent l’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours (Mormons), les Témoins de Jéhovah, les Adventistes du Septième Jour, et d’autres dénominations évangéliques locales. En sus, beaucoup de gens détiennent une combinaison de croyances indigènes et Chrétiennes ou musulmanes. Un petit nombre d’hindous et juifs existent également à travers le pays.

 

 (1) FJKM : « Fiangonan’i Jesoa Kristy Eto Madagasikara » ou « Église de Jésus-Christ à Madagascar »

 

 

 

 

 

 

 


A Madagascar, des hôpitaux socialement sélectifs

Serment d’Hippocrate… Serment d’hypocrites ? Ce ne sont pas tous les malades qui reçoivent des soins. Enfin, telle est la philosophie de certains hôpitaux de la Grande île. Si vous n’avez pas quelques millions en poche, si vous n’êtes pas une personne de pouvoir, vous ne recevrez jamais les soins médicaux adéquats. De la pure discrimination !

Des hôpitaux socialement sélectifs

Des hôpitaux qui affirment « rendre service à la population » et « traiter tout patient dans l’égalité ». Mais il s’agit bien là d’hypocrisie… Et pire même : de discrimination. Je ne dis pas n’importe quoi, ce fait à propos duquel les hôpitaux sont socialement sélectifs est véridique. La preuve. Une personne s’était rendue dans un hôpital public de la Capitale. Elle était malade depuis plusieurs jours, parce qu’elle n’avait pas mangé depuis quatre jours, alors qu’on était en plein hiver – oui, parce qu’il se peut que ton voisin, celui qui habite juste à côté de chez toi, ne mange pas, parce qu’il n’arrive déjà presque pas à trouver de l’argent pour son loyer. Elle avait ainsi une grosse fièvre et un mal de tête depuis trois jours.

A Madagascar, la communauté internationale est très active dans le domaine santé. Ci-dessus, le prince Albert de Monacoest venu inaugurer la maternité de la cité Akamasoa du Père Pédro, en février dernier. ©Tiasy

Elle a décidé de venir à l’hôpital pour se faire ausculter, en espérant faire du « trosa » (1) auprès du médecin. Après tout, beaucoup de malades font le « trosa » à l’hôpital. Malheureusement, plus personne n’accepte le « trosa » de nos jours, et cette personne s’est faite littéralement renvoyée de l’hôpital, sans le moindre scrupule, par le personnel hospitalier. Une autre personne s’est rendue dans la même clinique. Il n’a pas demandé à faire du « trosa », il a dit qu’il était le secrétaire d’une certaine entité politique. Les médecins l’ont laissé entrer sans même payer. Puis il y a eu évidemment le cas de Claudine Razaimamonjy, la conseillère de la Présidence, qui était, d’après les sources, atteinte d’une maladie grave, et a été évacuée à l’île Maurice malgré qu’elle était interdite de sortie du territoire.

Frais médicaux priment sur soins médicaux

D’ailleurs, à Madagascar, les frais médicaux priment sur les soins médicaux. C’est un fait depuis plusieurs années maintenant. Pour les médecins comme pour les patients, il importe de payer avant de pouvoir recevoir les soins nécessaires. Si bien que dans certaines cliniques, il faut d’abord payer avant de pouvoir se faire consulter, faire une radiographie, un scanner, ou tout autre examen médical. C’est devenu une règle d’or. Seulement, tout le monde n’a pas les moyens de payer ces frais. Considérant que la somme minimale pour une consultation est actuellement de 10 000 Ariary, on se demande où vont donc se faire soigner les 90% des malagasy qui gagnent moins d’un euro, soit même pas 3 000 Ariary, par jour. Il lui faudra déjà travailler quatre à cinq jours pour pouvoir aller chez le médecin.

Et si la maladie est grave, d’ici-là, le patient pourrait déjà être mort. N’importe quel patient peut mourir s’il ne peut pas payer. L’argent avant tout : c’est la loi du plus fort dans les hôpitaux, publiques comme privées… Et n’oublions pas le corps médical ! Ces personnes qui sont censées, elles aussi rendre service à la population. Et qui ont prêté serment pardessus le marché. Seulement, ces serments n’ont plus la moindre valeur pour certains. En effet, dans certaines cliniques, publiques comme privées, certains médecins exigent que les patients paient des frais médicaux par rapport à la normale, ou ils refusent tout simplement de procéder à des examens médicaux ou des opérations chirurgicales. D’autres, plus malins, proposent que l’on achète des médicaments au patient pour qu’ils « récupèrent plus vite », et bizarrement, le médicament n’existe que chez le médecin et il est toujours très cher… Puis il y a aussi ces médecins qui, en plus de tout cela, sont désagréables et traitent leur patient comme du bétail. Ils adoptent la même attitude que ces fonctionnaires qui vous reçoivent dans les bureaux, sauf si vous êtes une personne de pouvoir, et qui vaut la peine d’être respectée…

Exigence de réformes palpables

Il faut l’avouer, le fait que le système sanitaire soit aussi précaire à Madagascar est la faute du Gouvernement. Je ne refuse pas que le ministère de la Santé publique fait beaucoup d’efforts pour faire marcher ce système, mais  ce sont des réformes qui apportent des changements minimes sur le système. Ces dotations et donations de matériels aux hôpitaux publics, ces grands mouvements de sensibilisation, ça n’apportera rien tant que les vrais problèmes ne seront pas réglés. Parmi ces problèmes: l’argent pour payer les frais médicaux que le trois-quart de la population n’arrive presque pas à trouver, l’argent pour les « suppléments » (corruption), la dotation d’assurance-maladie et une bonne couverture sociale pour les salariés.

En effet,  la plupart des salariés malagasy ne sont pas couverts socialement. Quelle famille peut se soigner dans ces conditions? Sachant qu’une famille malagasy est composée en moyenne des deux parents et de trois enfants, frais d’écolage, nourriture et vêtement priment, avec quel argent se soigne en cas de maladie grave? Au pire, bouffer du paracétamol toutes les six heures et prier… Et bien sûr, on s’étonne que le taux de mortalité du à la maladie grimpe à Madagascar, et que la plupart des gens se soignent eux-mêmes à la maison, ou attendent tout simplement de mourir. Ce dernier, qui est devenu le choix ultime pour de nombreux malades.

(1)« trosa » : « dette » en français


Témoignage : « Madagascar ne sera pas un pays de startups »

« Cela va faire deux ans que nous sommes engagés dans l’appui des jeunes entreprises et jeunes entrepreneur(e)s à Madagascar. […] Mais quoiqu’il en soit, le constat est dur et sans appel ».

C’est ce que l’incubateur de startups Incubons a posté dimanche dernier sur sa page Facebook. Un témoignage poignant qui fait prendre conscience d’à quel point les jeunes ont du mal à investir à Madagascar.

Tendance « startups »: trop prétentieux

L’incubateur d’entreprises Incubons, dans un post sur Facebook, dimanche dernier, n’a pas mâché ses mots pour dénoncer à quel point l’entrepreneuriat est mal compris à Madagascar. Il a pointé du doigt ceux qui font miroiter un rêve presque impossible à des jeunes gens, en les manipulant sur ce qu’ils doivent ou peuvent faire via de beaux discours et des théories mirobolantes sur combien  devenir un entrepreneur est magique.

« Ce serait bien d’arrêter de faire miroiter à la jeunesse une pseudo réussite instantanée par le biais de l’entrepreneuriat. Beaucoup trop de personnes surfent sur la tendance « startups » et font croire qu’il s’agit de la meilleure (et seule) manière possible de créer son emploi, en créer pour les autres, et faire avancer à son niveau le pays. Sur papier c’est effectivement une très bonne voie, mais ça n’est ni la seule, ni la plus facile, ni la plus réaliste », a souligné Incubons.

En effet, la tendance startups semble trop prétentieux, car avant de réussir en entrepreneuriat, beaucoup de facettes doivent être prises en compte. Et il ne s’agit pas que d’une question d’argent. Malheureusement, c’est la gloutonnerie en argent qui constitue la faille pour les jeunes entrepreneurs malagasy.

De jeunes entrepreneurs se sont réunis au Startup Weekend Antananarivo, les 11, 12 et 12 août derniers. © Startup Weekend Antananarivo

Addiction à l’argent et au financement

« Il faut faire un constat très précis de l’environnement entrepreneurial de la jeunesse à Madagascar », continue Incubons.

 

Le principal problème, évidemment, tourne autour de l’envie de se remplir les poches vite-fait. Cette logique quantitative qui mènera plus de la moitié des entrepreneurs à leur perte, car ils ne calculeront jamais une rentabilité durable et viable, mais plutôt une rentabilité instantanée.

« Il y a beaucoup d’idées, mais beaucoup qui n’aboutiront jamais, beaucoup de copier-coller, peu d’individus sont capables d’avoir une idée qui tienne la route, qui réponde à un besoin, qui peut se rentabiliser et se dupliquer.  Pourquoi ? Parce que l’argent est roi, la majorité sont à la recherche du profit et non du bien commun », martèle Incubons. « Nous avons accompagné 20 entreprises, 7 des 10 de l’an derniers subsistent encore et nous espérons que les 10 de cette année parviendront à changer d’échelle », rapporte-t-il. « Si vous posez la question du frein principal des jeunes entreprises ou nouveaux projets à Madagascar, on vous répondra que c’est le manque de financement. Ceci est faux. Si votre projet ne peut pas démarrer avec le minimum que vous avez en poche (entre 20.000 et 70.000 Ariary), de la conviction, des nuits blanches et une envie folle de réussite, alors c’est un mauvais projet. Cessez de faire miroiter 1000 ou 2000 euros à des personnes qui ne savent même pas gérer 10.000 Ariary. »

Interpellation à certains incubateurs et plateformes entrepreneuriales.

Buzz et culture du paraître

Mais non seulement les incubateurs et plateformes, Incubons pointe aussi du doigt les petits magazines tendances, les évènements entrepreneuriaux en tout genre et les innombrables pages Facebook sponsoriés, qui sont en train de détruire la vision des jeunes concernant la réalité des startups à Madagascar.  D’après l’incubateur, il s’agit de la culture du buzz et du paraître. Une illusion très bien menée, disent-ils.

« Comme si nous étions dans un pays où les « success-stories »   s’enchaînaient … Prenez la peine de creuser un peu et vous verrez que plus de 90% des gros buzz d’il y a deux ans n’existent plus. »

Fait réel et véridique. Bref, il faudra encore bien plus que des publicités et des sensibilisations sur l’entrepreneuriat pour aider les jeunes entrepreneurs. Il faudra d’abord changer leur mentalité avant toute chose. Convaincre que l’argent n’est pas la clé du succès et, comme le dit l’adage, « ne fait pas le bonheur ». Difficile à dire, en ces temps où la mondialisation ne cesse de nous entraîner dans son engrenage, et où, partout dans le monde, l’Euro, le Dollar et l’Ariary parlent avant toute chose. Encore une fois, la jeunesse est condamnée.

 

Quelles solutions si on veut vraiment inspirer la jeunesse malgache à entreprendre ?

– Penser bien commun : l’entrepreneuriat social est un modèle qui sied à la réalité malgache : faire de l’argent un moyen et non une fin, pour atteindre des objectifs sociaux, sociétaux ou environnementau x.
– Laisser le résultat communiquer pour vous : beaucoup trop de  »stars » de l’entrepreneuriat des jeunes à Madagascar ont fait l’erreur d’enchaîner les salons et les interviews, et ont délaissé le coeur même de ce qu’ils font : travailler.
– Faites avec ce qu’il y a : vous pouvez lever 2.000.000 d’euros, mais si vous êtes incapable d’avoir la tête sur les épaules et de savoir qu’il faut commencer avec les moyens du bord, mais que par contre il vous faut déjà la belle voiture et la belle villa, c’est foutu.
« Entreprendre c’est faire le mieux qu’on peut avec le peu qu’on a, pour le bien commun » (Incubons)

 

 

 


Madagascar: des pratiques culturelles pour « se trouver un partenaire »

Le mariage arrangé existe encore dans les contrées les plus profondes de la Grande île. Cette pratique traditionnelle a l’air d’avoir été abandonnée dans les grandes villes. Cependant, les pratiques culturelles pour « se trouver un bon partenaire » ont évolué et continuent.

Mariage arrangé: les parents usent de manipulation psychologique

Au vingt-et-unième siècle, à Madagascar, les enfants n’accepteront plus jamais que leurs parents choisissent leur mari sans leur consentement. Et ça, les parents malagasy l’ont bien compris. Il n’est plus possible d’obliger son fils ou sa fille à se marier avec un tel ou un tel, dans le but de voir prospérer les richesses familiales. D’accord, mais il doit sûrement y avoir un moyen. Rapidement, les esprits des parents ont eux aussi évolués et aujourd’hui, le mariage arrangé a pris une nouvelle forme. Il s’agit de la manipulation psychologique. J’ai été assez étonnée de voir que dès la maternelle, des parents s’immisçaient très tôt dans l’esprit de leur enfant, notamment la mère, pour lui faire comprendre quel genre de beau-fils ou belle-fille elle souhaiterait avoir. « Tu vois la fille là-bas? Quand tu seras grand, tu auras une jolie femme comme elle! », a une fois déclaré une maman à son petit garçon de cinq ans, dans le bus. Elle semblait déjà se faire pousser des ailes en y pensant. La modélisation de ce sujet dans l’esprit de l’enfant conduira certainement cet enfant à n’aimer que les personnes qui correspondront à cette description. Plus tard, vers ses dix-huit ans, la mère lui dira qu’elle a vu une belle jeune fille  qui pourrait « former un beau couple » avec  elle. D’autant plus que leurs familles se connaissent depuis longtemps et que la famille de celle-ci semble « à la hauteur », matériellement parlant.

Matérialisme: motif de pratiques culturelles choquantes

L’amour ne devrait pas être mesuré selon la richesse et la fortune. © Audhray

Ce qui est choquant, ce n’est pas vraiment le mariage arrangé et la manipulation psychologique. C’est le côté matérialiste affiché par certains parents! Je me souviens d’une proche qui parlait ouvertement de sa fille. D’après elle, le meilleur, ce serait que sa fille épouse un homme étranger. Mais par défaut, un garçon malagasy qui aurait les « mêmes qualités » ferait l’affaire. « Oui, parce que ma fille a étudié à l’étranger… » La raison du mariage mixte en elle-même me dépasse. Etudier à l’étranger oblige-t-il également cette logique? Mais pire encore! Dans les grandes villes côtières, comme à Diego par exemple, la culture veut que les jeunes filles se marient avec un « Vazaha »(1). Les objectifs: donner naissance à un joli petit métis et pourquoi pas, partir à l’étranger. Les filles, dès leur plus jeune âge, sont pour la plupart préparées à ça. Elles étudient la langue française, deuxième langue officielle à Madagascar, et une troisième langue: anglais ou allemand la plupart du temps. Après le Baccalauréat, elle pourra conquérir un « Vazaha », à la grande fierté des parents. Cette pratique, elle a existé après la Colonisation. Eh non, ce n’est pas une pratique traditionnellement malagasy. Auparavant, la tradition exigeait que l’on se marie entre « classes sociales »: les « Andriana »(2) entre eux, les « Hova »(2) entre eux et les « Andevo »(4) entre eux. Toujours du matérialisme ! La nouvelle pratique étant aussi choquante que l’ancienne.

« L’idéal »

Dans la Capitale, la pratique est moins visible. Les parents ne poussent pas « visiblement » leurs enfants à se marier à un homme ou une femme riche, mais la psychologie est la même. Au lieu de vous expliquer, je vais vous donner un exemple concret. Dès que l’enfant trouve un partenaire, si celui-ci n’est pas idéal, il passera sous silence dans toute discussion familiale et réunion de famille. Mais si le partenaire est « l’idéal », il fera le sujet de toutes les conversations durant un dîner. Et d’ailleurs, une petite rivalité sur qui a le meilleur gendre s’engagera dans la discussion. On étalera tout le CV de notre nouveau beau-fils ou belle-fille… Au début, je pensais que cela n’était que de simples sujets de conversations. Mais plus j’en vois, plus je me rends compte que c’est un vrai rite, cette vantardise et pratiques pour trouver le mari ou la femme parfaite. Je trouve tout cela bien triste…

(1) »Vazaha »: dénomination malagasy pour nommer les étrangers, notamment les Français
(2) »Andriana »: la classe des nobles, avant la Colonisation, à l’époque de la monarchie, à Madagascar
(3) »Hova »: la classe des roturiers, avant la Colonisation, à l’époque de la monarchie, à Madagascar
(4) »Andevo »: la classe des esclaves , avant la Colonisation, à l’époque de la monarchie, à Madagascar